Débuts du cinéma japonais

I. Inspiration Venant du Théâtre Kabuki et Shimpa

Les premières images tournées par un Japonais le furent en 1897 avec l’importation d’une caméra par le photographe Shiro Asano. Le public japonais voyait dans le cinéma une nouvelle forme de théâtre et non pas une nouvelle forme de photographie comme les occidentaux. Ce qui fait que les premières fictions japonaises sont très inspirées de celui-ci. Les premiers sujets des films japonais sont des scènes du kabuki classique ou emprunter au shimpa. Le kabuki étant l’ancienne école et le shimpa la nouvelle du théâtre japonais. En 1898, Tsunekichi Shibata réalise Promenade sous les feuilles d’érable, un des premiers films réalisés d’après une pièce kabuki. Les films, basés sur le kabuki devinrent les jidaigeki, définissent les films historiques ou se déroulant dans des époques passées, avant 1868. Les films basés sur le shimpa furent à l’origine des gendaigeki ou films à scénario contemporain, après 1912.

Momijigari
Momijigari de Tsunekichi Shibata

II. Inspiration Occidentale

Le cinéma japonais à partir de 1915 fut influencé par les nouveaux films venant de l’Occident. Les films japonais dans leurs constructions suivaient le cours de l’histoire et ces Japonais qui feront l’âge d’or de leur cinéma furent impressionnés par la complexité narrative de ces films étrangers. Une nouvelle évolution du cinéma japonais arriva, influencé par une nouvelle forme de théâtre, le shingeki, version nippone du théâtre réaliste occidental très inspiré aussi par le répertoire russe. Apparu à partir de 1917 le gendaigeki, désignant un film dont l’intrigue se déroule dans le monde contemporain et représente à partir des années 1950 la majorité des films produits. Les films de Masao Inoue avec La Fille du lieutenant ou d’Eizo Tanaka avec Le Cadavre vivant répondent aux nouveaux critères de réalisme venant de l’Occident : plans variés, plus courts, décors plus réalistes et scénarios plus solides. Deux films de Norimasa Kaeriyama, L’Eclat de la vie et La Fille de la montagne profonde, deux drames filmiques purs, auront une impulsion déterminante.

III. Les Benshis

Le benshi, plus qu’en Occident a eu une influence durable sur le cinéma japonais. Alors que les narrateurs disparurent dès 1910 aux États-Unis, il fallut attendre 1932 au Japon pour les voir écartés. Donald Richie disait « qu’ils étaient une présence indigène rassurante dotée d’une familiarité supposée avec l’objet étranger ». Les spectateurs venaient pour voir le film mais aussi les benshis. Ils commentaient les films, lisaient les intertitres et énonçaient les dialogues des acteurs.

IV. Le Style de Kamata

Dans les années 1920 les studios de la Shochiku de Kamata imposèrent un style nouveau, on parlera de « style de Kamata » dont le premier réalisateur à personnifier ses objectifs est Yasujiro Shimazu avec Le Père en 1923, film proche des comédies américaines de l’époque mise à part qu’il s’appuie davantage sur l’étude des personnages. Son film le plus mémorable est Ma petite voisine Yae en 1934 qui dépeint « les gens ordinaires tout en restant moderne ».

Shunkinsho Okoto to Sasuke
Shunkinsho Okoto to Sasuke de Yasujiro Shimazu

Gosho, assistant de Shimazu sera influencé par lui ( il élargira la tradition du shomingeki, genre néoréaliste japonais s’intéressant à la vie des gens de la classe moyenne ) mais aussi par le cinéma occidental, il dit avoir comme principale influence étrangère sur son travail Comédiennes de Lubitsch ( 1974 ) et L’Opinion public de Chaplin ( 1923 ). Ses films ont pour habitude de prendre la défense des faibles tout en démontrant leurs qualités humaines. Il réalisera en 1931 le premier film parlant japonais avec Madame et voisine qui « raconte comment un journaliste aux conditions difficiles est empêché de se concentrer par le vacarme de jazz provenant de la maison voisine » où habite le « madame » du titre qui le séduira. On retrouve ici ces « petites gens » qui peuplent tant de ces shomingeki.

Heinosuke Gosho
Heinosuke Gosho

« L’aspect moderniste du style de Kamata trouva sa pleine expression chez Yasujiro Ozu ». Ozu commença en tant qu’assistant de Yuko Kawashima, réalisateur connu pour la vulgarité de ses sujets. Dès ses premiers films, Ozu montre une structure translucide associé à la fois à l’éthos traditionnel japonais et au cinéma moderniste étranger. Dans Gosses de Tokyo ( 1932 ), Ozu exécute un travelling le long d’enfants qui s’ennuient puis un autre le long des pères qui s’ennuient eux aussi à leurs bureaux. Le film est construit à travers ces parallèles. Il a pour décor la banlieue de Kamata et montre l’inégalité sociale. Les fils des employés disent pouvoir casser la figure au fils du patron, et se demandent pourquoi leurs pères doivent travailler pour lui. Ozu fit siennes les nouvelles techniques telle que la couleur et en rejeta d’autres comme l’écran large. Il possède un style fait de « plans filmés en contre-plongée par une caméra statique, de placement des personnages dans le décor, de mouvements réduits au minimum, de plans frontaux des acteurs quand ils parlent, de régularité de la durée des plans, de montage avec uniquement des cuts, de prédominance des plans rideaux, de rythme basé sur les numéros d’acteurs et de jeu chorégraphié dans un décor entièrement contemporain, utilisant les plus modernes et les plus banals des matériaux ». « L’aspect le plus traditionnel du cinéma japonais est un perpétuel intérêt pour le composition, la combinaison d’éléments distincts en vue de créer un tout unifié. » Proche de Ozu mais avec plus de pessimiste, Mikio Naruse réalisa des films pour la compagnie avant que celle-ci le laisse partir, n’appréciant guère son « rythme monotone ». Les films de Naruse sont centrés, comme Ozu, sur la vie familiale, mais ils mettent l’accent sur le couple, les relations sentimentales entre adultes, et sur les personnages féminins, là où Ozu insiste sur l’amour parental et la piété filiale.

Gosses de Tokyo
Gosses de Tokyo de Yasujiro Ozu

TitCalimero

Source :
*Atlas du cinéma de André Z. Labarrère, édition La Pochotèque 2002
*Le cinéma japonais de Donald Richie, édition du Rocher 2005
*cinéclub de caen
*cinémanageria
*cinemasie
*fluctuat.net