Le Cinéma Japonais de Son Renouveau à Aujourd’hui

I. 1960 – 1973 : Les Nouvelles Vagues et déclin des grands studios

1. Le mouvement du « Taiyozoku »

Une sorte de « pré-Nouvelle Vague » vit le jour au milieu des années 1950 à partir d’un courant littéraire dit du « Taiyozoku ».
Les nouveaux héros étaient de jeunes gens oisifs, passant leur temps à faire des « bêtises » et à faire l’amour. Cela pouvait choquer la société japonaise encore traditionnelle.
Ces nouveaux héros étaient une réponse aux nouveaux rebelles Hollywood incarnés par Marlon Brando ou James Dean.

Yuzo Kawashima va dépeindre des figures d’antihéros et réalise des films comme Le Poids de l’amour en 1955, Le Paradis de Suzaki en 1956 ou Chronique du soleil à la fin d’Edo en 1957. Il inspirera fortement la future Nouvelle Vague.

Chronique du soleil à la fin d'Edo
Chronique du soleil à la fin d’Edo de Yuzo Kawashima

La Nikkatsu s’efforça de reconstruire un outil de production, malgré l’impossibilité de débaucher des acteurs vedettes ou des réalisateurs expérimentés et laissa plus de liberté à ses auteurs dans le choix de leurs sujets et lança cette série de films en 1956 avec Yujiro Ishihara, incarnant cette « nouvelle virilité » devant la caméra et des films comme La Saison du soleil de Takumi Furukawa ou Passions juvéniles de Yasushi Nakahira ( ancien assistant de Kawashima ), films encensés par François Truffaut dans un article nommé : Si jeunes et des Japonais.

Passions juvéniles
Passions juvéniles de Yasushi Nakahira

On qualifie cette nouvelle veine de production de « génération du soleil », avec des personnages du même Âge devant la caméra que dans les salles et des rapports sociaux dominés par le sexe et la violence.

La Daiei répondit vite et produit le scandaleux Chambre de punition de Kon Ichikawa en 1956.

Kon Ichikawa
Kon Ichikawa

On vit toute une série de films survoltés montrant les désirs physiques d’une jeunesse sans repères qui voulaient oublier les temps sombres de l’après-guerre. Ces films donnèrent naissance à un couple de légende avec Yujiro Ishihara et Ruriko Asaoka.

Yujiro Ishihara et Ruriko Asaoka
Yujiro Ishihara et Ruriko Asaoka

Le mouvement du « Taiyozoku » fut bref, s’arrêtant au début des années 1960. Les films furent accuser de corrompre la jeunesse, des associations demandant même de les interdire.

Si le règne du genre fut bref, le goût de ces films pour l’ironie et les ruptures rythmiques trouva très vite un écho aussi bien chez la Nouvelle Vague japonaise que dans une partie du cinéma de studio sixties.

2. « Shochiku New Wave » : Oshima, Yoshida, Shinoda

La reprise économique qui avait débuté aux débuts des années 1960 explosa après les Jeux Olympiques de Tokyo en 1964.

Une nouvelle génération de réalisateurs nés dans les années 1930, passionnés de littérature, d’art et de cinéma étranger et influencés par les idées de la gauche intellectuelle attendait son heure.
On retrouve parmi eux Nagisa Oshima, Kiju Yoshida ou Masahiro Shinoda qui avaient fondé une revue, critiquant leurs aînés tels que Ozu et Kinoshita et encensant Godard, Truffaut, Resnais, Antonioni et ce nouveau cinéma européen.
Tous trois vont réaliser des œuvres innovantes avant de quitter le studio pour bénéficier de la liberté accrue qu’offre la production indépendante.

Nagisa Oshima
Nagisa Oshima

Oshima fit ses débuts en 1959 avec La Ville de l’amour et de l’espoir mais connut son premier coup d’éclat l’année suivante avec Contes cruels de la jeunesse avec pour héros, un couple extorquant de l’argent à des automobilistes naïfs attirés par la fille. Malgré le scandale entrainé par le film, il rencontra un fort succès. Le film « imposa une écriture nouvelle et créative » et un montage moderne.
Oshima, fort de ce succès, réalisa deux autres films la même année avec La Tombe du soleil, qui complètera la trilogie de la jeunesse, et Nuit et brouillard du Japon dont le titre est un hommage au film de Resnais. Le film était « un brûlot révolutionnaire », choquant les dirigeants de la Shochiku avec son ouverture politique, sa critique du Parti Communiste Japonais et ses plans séquences complexes. Le film fut retiré des salles au bout de quatre jours, Shiro Kido n’acceptant pas cette « provocation » d’autant que le président du Parti Socialiste Japonais venait d’être assassiné.
Claquant la porte de la Schochiku, Oshima fonda sa première compagnie indépendante afin d’obtenir une plus grande liberté pour tourner ses films et s’attaquer à tous les tabous moraux et sexuels du Japon contemporain.

Kiju Yoshida
Kiju Yoshida

Kiju Yoshida débuta lui aussi en 1960 avec Bon à rien, « film d’une jeunesse perdue dont la séquence finale était un hommage explicite à celle d’A bout de souffle de Godard. ».
Yoshida était considéré comme le plus intellectuel de la bande, ayant étudié la littérature française. Il souhaitait renouveler l’écriture d’un cinéma qu’il jugeait sclérosé. Ce qu’il fit avec La Source thermale d’Akitsu, métaphore de l’histoire du Japon de 1945 à 1962 à travers une rencontre amoureuse. Il réalisa en 1965 Histoire écrite par l’eau, abordant les thèmes de l’inceste et de la psychanalyse, thèmes qu’il retrouve en 1967 dans Flamme et femme ou dans Passion obstinée.
Yoshida, à l’instar d’Oshima, avait quitté la Shochiku pour acquérir cette liberté d’expression.

Kiju Yoshida
Kiju Yoshida

Masahiro Shinoda s’affirma surtout pour son sens de l’esthétisme. On note des films comme La Fleur pÂle en 1963 ou Assassinat en 1964. Moins radical que ses deux confrères, il continua à travailler à la Shochiku puis à la Toho.
« Le point culminant de sa tendance esthétisante reste Double suicide à Amijima, transposition très stylisée d’une pièce de Chikamatsu. »

Une fois partie de Shochiku, Oshima s’attaque à des films très divers, explorant différents tabous moraux ou sexuels du Japon contemporain comme le racisme avec Le Piège en 1961, La Pendaison en 1968 ou Le Retour des trois soûlards en 1968 qui dénonce le racisme anti coréen des Japonais, l’enfance nue avec Le Journal de Yunbogi en 1965 ou Le Petit Garçon en 1968, la famille avec La Cérémonie en 1971 et le sexe avec Le Plaisir de la chair en 1965, L’Obsédé en plein jour en 1966, Traité des chansons paillardes japonaises en 1967, Le Journal d’un voleur de Shinjuku en 1968 ou L’Empire des sens en 1975.

L'Empire des sens
L’Empire des sens de Nagisa Oshima

Au delà de sa volonté de s’attaquer à tous les tabous de la société japonaise, on est fasciné par la maitrise des films d’Oshima. « Au nombre minimal de plans séquences dans Le Piège, s’oppose le morcellement ahurissant de L’Obsédé en plein jour, tourné en près de 2000 plans ! A la construction extraordinairement complexe de La Pendaison ou de La Cérémonie ( chef-d’œuvre de cette période ), se substitue la mollesse structurelle d’un petite sœur pour l’été ou le classicisme de Max, mon amour ».
En 1999, avec son film Tabou, il aborde le thème de l’homosexualité dans l’univers des samouraïs.
« Génie foisonnant et brouillon, contempteur d’une société qui ne tarda pas à le récupérer à la télévision en « homme de culture » après ses derniers échecs financiers, Oshima est le contraire d’un cinéaste monolithique comme Ozu ou Kurosawa qui passent leur vie à perfectionner leur édifice moral et esthétique ».

Yoshida, comme Oshima, a tenté de briser le mur de la narration avec en 1969 : Eros + Massacre. Le film prend comme point de départ la vie et la mort de Sakae Osugi, anarchiste japonais assassiné pendant le tremblement de terre de 1923. « Ce personnage, vue par un couple de jeunes étudiants nihilistes, donnait lieu à un mélange heurté entre passé et présent virtuels, théorie et réalité, à la fois fascinant et irritant, mais qui constitue une somme incontournable dans l’œuvre du cinéaste. »
En 1973, avec Coup d’état, il réalisa son dernier film de fiction, ce film est un remarquable portrait de l’anarchiste de droite Ikki Kita.

Eros + Massacre
Eros + Massacre de Kiju Yoshida

A côté de ce cinéma indépendant préoccupé de la morale politique et d’esthétique révolutionnaire, on retrouve des cinéastes, dont l’idéologie gauchiste marquent une rupture avec celle du Parti Communiste Japonais, pro soviétique, tournant des « films d’intervention ».
Parmi eux Shinsuke Ogawa, sans doute le plus connu. Ogawa fut formé à l’école documentaire Iwanami. Il réalisa une série de films dont Un été à Narita en 1968 pour s’opposer à la construction du nouvel aéroport de Narita en filmant la résistance des paysans sur le terrain.
A ses côtés on retrouve Nariaki Tsuchimoto qui filma l’affaire Minamata, un lieu pollué par une usine chimique dans Minamata, les victimes et leur monde en 1971 et dans une suite en 1978.

3. La Nikkatsu : Imamura et Suzuki

Shohei Imamura apprit la technique aux côtés de Ozu mais c’est Yuzo Kawashima qui l’influença le plus.
Imamura débute la réalisation en 1958 avec Devant la gare de Wishi-Ginza, Désir volé et Désir inassouvi, ces deux derniers annoncent ses principaux thèmes et « signalent par une esthétique baroque et impure. » A ses débuts, il déclarait : « Je veux marier de toutes mes forces ces deux problèmes : la partie inférieure du corps humain et la partie inférieure de la structure sociale sur laquelle s’appuie obstinément la réalité quotidienne japonaise. »

Shohei Imamura
Shohei Imamura

Avec son film Cochons et cuirassés en 1961, Imamura brosse le portrait de Haruko, une prostituée qui vit avec un petit escroc, qui, au bout de nombreuses péripéties dont une bagarre de gangsters, prendra son destin en main. Il compare les Japonais à des « porcs humains ». Le film fut un scandale en son temps. Shohei Imamura reprendra plusieurs fois ces métaphores animalières avec La Femme insecte en 1963, portrait d’une prostituée luttant pour son indépendance ou L’Anguille en 1997.

L'Anguille
L’Anguille de Shohei Imamura

Imamura brise le tabou du viol en filmant des femmes brimées sexuellement après avoir été violées avec Désir meurtri en 1964.
Il fera en 1967 un documentaire, enquêtant sur les disparitions de personnes, chose assez fréquente au Japon avec Evaporation de l’homme en 1967.
Plus le temps passe et plus Imamura est attiré par les civilisations méridionales, plus humaines que la société japonaise du Nord. Il tourne dans les mers du Sud un de ses chefs-d’œuvre : Profond désir des dieux en 1968, « parabole sur les méfaits de la civilisation importée dans une culture ancestrale qui a ses propres règles. »
En 1970 après avoir été contrait à quitter la Nikkatsu, avec Histoire du Japon racontée par une hôtesse de bar, il revient au documentaire. Montrant un Japon vu par le bas de la société.

Outre Imamura on retrouve Seijun Suzuki chez la Nikkatsu. Suzuki commença par réaliser des films de genre ( actions, yakuzas ) mais n’attire l’attention qu’aux débuts des années 1960 en imposant une « patte » plus personnelle dans ses films « d’une imagination excitante et non conformiste ». On retrouve ainsi Barrière de chair en 1964, film amoral qui fit scandale, Chronique d’une fille à soldats en 1965, La Vie d’un tatoué en 1965 et La Marque du tueur en 1967. Ce dernier, parodie des films de la Nikkatsu « horrifié par cet esprit iconoclaste » mais soutenu par les intellectuels et les cinéphiles il entama un long procès contre la compagnie, qu’il gagnera. Aucune compagnie acceptant de prendre Suzuki sous contrat, il passa dix ans sans tourner de films. Il revint dans les années 1980 avec Mélodie tzigane en 1980, Brumes de chaleur en 1981 ou Yumeji en 1991, « films d’une poésie baroque très personnelle ».

Seijun Suzuki
Seijun Suzuki

4. La Diaei : Masumura

La Diaei qui avait produit des films du courant « Taiyozoku » ne connut pas de Nouvelle Vague mais eut parmi ses rangs un cinéaste qui fut considéré comme un précurseur de la Nouvelle Vague dès 1957 : Yasuzo Masumura, renouvelant l’écriture filmique. Masumura a fait ses études à Rome avant de devenir assistant de Mizoguchi et d’Ichikawa en revenant au Japon.
Il rejoint la Diaei comme assistant réalisateur en 1950 et son premier film en tant que réalisateur : Les Baisers en 1957 est film précurseur à ce que feront la Nouvelle Vague japonaise. A propos de ce film Oshima écrira : « On ne pouvait plus ignorer l’aube d’une ère nouvelle: une force puissante, irrésistible avait investi le cinéma japonais. »
En 1958 Le Précipice et Le Géant et les jouets rompent avec le style « classique » de son maître Mizoguchi, en effet ses deux films possèdent une certaine rapidité de rythme et un ton très irrévérencieux et modernes. Le deuxième attaque les valeurs de la société de consommation avec humour.

Yasuzo Masumura
Yasuzo Masumura

Avec Le Faux étudiant en 1960, il porte un regard ironique sur le mouvement des étudiants japonais opposés à la révision du Pacte de Sécurité Nippo-Américain.
Des films comme Heitai yakuza en 1965 et L’Ecole militaire de Nakano en 1966 sont très virulent contre le passé militaire du Japon.

Ayako Wakao
Ayako Wakao

Masumura bouscula la tabou de la sexualité et utilisa comme muse, Ayako Wakao, révélée par Mizoguchi, avec des films comme Passion Swastiha en 1964, La Femme de Seisaku en 1965, Tatouage en 1966 et son film le plus connu : L’Ange rouge en 1966, vision de la sexualité au cœur de la guerre.

L'Ange rouge
L’Ange rouge de Yasuzo Masumura

« L’univers de Masumura est révélateur des inhibitions sexuelles japonaises des années 1960, mises en scène par les cinéastes de cette génération ».

5. Les Indépendants

En dehors de ses compagnies, on retrouve d’autres réalisateurs comme Susumu Hani ou Hiroshi Teshigahara.

Susumu Hani
Susumu Hani

Hani étudia le cinéma à l’école documentaire Iwanami. S’intéressant à la jeunesse, il réalisa un semi-documentaire sur les jeunes délinquants en 1960 avec Les Mauvais garçons, le film fut présenté par la Semaine de la critique de Cannes. Succès public, le film décrocha le Prix Kinema Jumpo.
Son intérêt pour cette « sorte d’innocence fondamentale chez les êtres » se retrouve en 1963 dans Elle et lui dont l’héroïne Sachiko Hidari deviendra sa femme. Il fut un des premiers cinéastes à tourner hors du Japon et poursuivit sa quête « de l’innocence primitive » avec un film tourné en Afrique : Bwana Toshi en 1965 et un film tourné en Amérique latine : La Mariée des Andes en 1966.

Sachiko Hidari
Sachiko Hidari

En 1968 Hani replonge dans le monde de l’enfance et tourne Premier amour, version infernale puis tourne en Italie en 1971 : moi.
Suite à des désaccords avec le studio, Hani va alors décider de revenir au documentaire.

Hiroshi Teshigahara
Hiroshi Teshigahara

Teshigahara était issu d’un milieu artistique où il avait rencontré des personnes comme l’écrivain Kobo Abe, dont il adapta plusieurs œuvres. D’abord critique, il tourna son premier long-métrage en 1962 avec Le Traquenard, sur un scénario de Kobo Abe, film montrant son goût pour un réalisme fantastique. En 1964, il fut primé à Cannes et nominé à l’Oscar du meilleur film étranger avec La Femme des sables. Cette adaptation d’Abe traite, avec des images fascinantes d’Hiroshi Segawa et une musique de Toru Takemitsu créant une ambiance étrange, « de la disparition métaphorique d’un entomologiste prisonnier d’une femme des dunes et de la crise d’identité sociale qui émergeait dans un pays saisi par la modernité ». Cette crise d’identité fut aussi le sujet de ses deux films suivants : Le Visage d’un autre en 1966 où Tatsuya Nakadaï se sert d’un nouveau visage pour épier sa femme et Le Plan déchiqueté en 1968. Ces deux films sont à nouveau tirés de l’œuvre de Kobo Abe.
Il arrêta sa collaboration avec Abe en 1972 pour se tourner vers le semi-documentaire avec Summers soldiers qui traite du sort des déserteurs américains au Vietnam, réfugiés au Japon.

Kobo Abe
Kobo Abe

6. La Révolution sexuelle à l’écran

La crise économique des majors a entrainé le phénomène des Nouvelles Vagues dans les années 1960. Face à la concurrence de la télévision, les innovations techniques ne suffirent pas. Il fallait inventer autre chose et cet autre chose fut le mariage du sexe et de la violence.

Au milieu des années 1960 on vit apparaître de nouveaux cinéastes indépendants avec des « pink-eiga » ( films roses ).
Parmi les principaux représentants de ces cinéastes on retrouve Tetsuji Takechi qui réalisa plusieurs films proposant de nombreuses scènes érotiques et grotesques avec en 1964 Rêve de jour ou Rêve de la chambre rouge et en 1965 Neige noire et Koji Wakamatsu, protégé d’Oshima, qui a tourné de nombreux films érotiques dont Le Secret derrière les murs en 1965, Les Anges violés en 1967 et Sex jack en 1970.

Koji Wakamatsu
Koji Wakamatsu

Leurs films avec ceux de Suzuki et des cinéastes de la « Nouvelle vague japonaise » transformèrent le cinéma japonais.

7. L’Union de quatre aînés

Pour pouvoir s’exprimer librement, les cinéastes, jeunes ou vieux, ont été contraints de créer leurs propres compagnies comme Oshida, Yoshido, Shinoda ou Imamura.
Dès 1960, Kurosawa avait créé sa compagnie pour réaliser Les Salauds dorment en paix, film de dénonciation sociale.
En 1969 il s’associa avec trois cinéastes : Ichikawa, Kinoshita et Kobayashi pour fonder une nouvelle société, la « Yonki no kai ». Le premier film produit fut Dodes’kaden de Kurosawa, mais le film ne fut pas très bien compris et connut un échec. Kurosawa qui s’était beaucoup investit, allant même jusqu’à peindre les décors, ne supporta pas cet échec et tenta de se suicider. Il sortit de sa pénombre grÂce aux Russes qui lui proposèrent de tourner un film selon son désir en URSS : Dersou Ouzala en 1975. Le film eut un succès mondial et sortit Kurosawa de l’oubli. Mais il fallut attendre cinq ans avant qu’il puisse tourner son film suivant : Kagemusha.

Dersou Ouzala
Dersou Ouzala de Akira Kurosawa

« Si Ichikawa et Kinoshita continuèrent de tourner, au prix de sévères concessions artistiques, Kobayashi tentera de poursuivre une œuvre plus personnelle » mais il se heurta à des soucis d’inspiration et aux soucis de production. Il ne put jamais réaliser son projet le plus cher, Tonko, d’après un roman de Yasushi Inoue.

II. 1973 – 1980 : Les Nouveaux indépendants

1. Fin de la Nouvelle Vague

« Coup d’état, de Yoshida, tourné en 1973 marque symboliquement la fin des ambitions « expérimentales » des auteurs de la Nouvelle Vague ». Ce film fut un échec, Yoshida resta 13 ans sans tourner, Imamura se tourna vers la télévision. Paradoxalement Oshima connaîtra un triomphe mondial avec L’Empire des sens en 1975. Le film est tiré d’un fait-divers qui avait défrayé la chronique avant la guerre au Japon, le film raconte la passion sexuelle exacerbée « entre un patron d’auberge et une de ses servantes, jusqu’à la castration et la mort ».

Coup d'état
Coup d’état de Yoshida

L’Empire des sens fut tourner secrètement pour échapper à la censure, sur le plateau du studio de Kyoto, considéré comme territoire français car produit par Anatole Dauman.
Si le film fut encensé en Europe après sa présentation à la quinzaine des réalisateurs à Cannes, il fut défiguré par la censure au Japon, Oshima se retrouva même devant la justice mais revendiqua l’obscénité et la pornographie comme éléments de la création. Eiko Matsuda, l’héroïne du film, vit sa carrière brisée.

L'Empire de la passion
L’Empire de la passion de Oshima

Le film suivant d’Oshima, L’Empire de la passion, malgré le Prix du scénario à Cannes, n’avait pas la force du précédent. En 1983, il se tourna vers un nouveau sujet-scandale avec Furyo. On y retrouve le couple David Bowie et Ryuichi Sakamoto, incarnant les ambivalences sexuelles des deux militaires. Furyo fut la dernière réussite d’Oshima.

Furyo
Furyo de Oshima

On note quand même dans sa filmographie, le film français Max mon amour en 1986, et Tabou, film de sabres présenté à Cannes en 2000, où il retrouve Kitano.

Les années 1970 furent pauvres, un seul cinéaste émergea : Shuji Terayama « dont le talent protéiforme marqua le dernier sursaut de la production indépendante expérimentale. »
Avec sa troupe de théÂtre nommée « Les enfants du paradis », il réalisa son premier long-métrage, un film pseudo-autobiographique : Jetons les livres et sortons dans la rue en 1971.
En 1974, il réalise une magnifique parabole poétique avec Cache-cache pastoral dont les héros sont les enfants, les prostitués, les horlogers et le cirque.

Shuji Terayama
Shuji Terayama

Il préserva son univers dans un film de commande : Le Boxeur et réalisa avec Le Labyrinthe d’herbes en 1979, le meilleur sketch du film Collections privées.
On retrouve son talent et ses obsessions avec Adieu l’arche en 1982. « Terayama demeure comme l’incarnation de l’esprit des années 1970, rebelles et imaginatives ».

2. Les Majors font de la résistance

Si les films indépendants représentaient le cinéma japonais à l’étranger, ils étaient peu vu par le public japonais car peu diffusés. Les compagnies qui connaissaient des difficultés financières jouèrent leurs dernières cartes.

La Nikkatsu inaugura en 1971 une nouvelle série de « roman-pornos » pour assurer sa survie. Deux réalisateurs du roman-porno sortirent du lot : Tatsumi Kumashiro et Noboru Tanaka.

Rue de la joie
Rue de la joie de Tatsumi Kumashiro

Kumashiro réalisa des dizaines de films très inégaux dont Rue de la joie qui montrait une vision réaliste de la vie des prostitués.
De son côté, Tanaka, adepte d’une sorte de réalisme onirique et esthétique, proche d’Imamura, réalisa des films comme Marche sexuelle des filles en 1974 ou La Maison des perversités en 1976.
Au bout d’une dizaine d’années, le film s’épuisa et la plupart des cinéastes sous contrat à la Nikkatsu se retrouvèrent au chômage. Kumashiro réussit quand même à réaliser des films indépendants et personnels comme Appasionata en 1983 et Tristesse d’un bâton en 1995.

La Toei de son côté, produisait des films de « yakuzas » marqués par la violence. La série du Combat ans code d’honneur de Kinju Fukasaku bouleversa les règles du genre. Dans ces nouveaux films de « yakuzas », la morale des yakuzas était enterrée sous des tonnes d’argent.
Les deux super-stars du genre furent Bunta Sugawara et Ken Takahura.
La série qui connut le plus grand succès est C’est dur d’être un homme, inaugurée en 1969 par Yoji Yamada avec 48 épisodes. La série prit fin avec la mort de son interprète ; Kiyoshi Atsumi, véritable star au Japon. Yoji Yamada, après l’arrêt forcé de la série, « su opérer une sorte de renaissance artistique » avec une trilogie historique adaptée de romans de Shuhei Fujisawa, dont les héros sont des samouraïs de caste modeste s’opposant au système féodal : Le Samouraï du crépuscule, La Servante et le samouraï et Love and Honour.

Kiyoshi Atsumi
Kiyoshi Atsumi

La Toho se repose sur ses tristes lauriers avec Godzilla et ses nombreuses progénitures cinématographiques permirent au studio de survivre mais les dernières incarnations de Godzilla furent médiocres.

III. 1980 – 1997 : Le Cinéma Japonais en Crise

1. Le Cinéma japonais en panne

La qualité des films déclinait parallèlement à la diminution des entrées, contrairement au prix des places.
Les cinéastes et les acteurs voient leurs formations négligées, les studios se tournant vers de jeunes cinéastes venu de la télévision ou de la publicité et vers des chanteurs ou chanteuses sans aucune expérience d’acteur.
Marchant à l’économie, les majors produisirent de moins en moins de films.
Des personnalités extérieurs au monde du cinéma, comme Haruki Kadokawa se mirent à produire et même à réaliser des films. La Kadokawa Production fut créé en 1976 et fut à l’origine de quelques-uns des plus mauvais films jamais produits au Japon.
D’autres grandes sociétés comme les filiales des magasins Seibu ou Parco se consacrèrent à la production de films artistiques dans les années 1980 avec plus de sérieux que ces derniers en visant les festivals. GrÂce à la filiale Seiyu, Kiju Yoshida revient au cinéma en 1986 avec La Promesse, un film sur la vieillesse et la mort. Il adapta par la suite Les Hauts de hurlevent dans le Moyen Age japonais avec Onimaru en 1988.

La Promesse
La Promesse de Kiju Yoshida

Toujours grâce à la Seiyu, Kei Kumai put tourner La Mort d’un maître de thé, en 1989, évoquant la vie de Rikyu, grand maître de la cérémonie du thé, incarné par Toshiro Mifune.

La Mort d'un maître de thé
La Mort d’un maître de thé de Kei Kumai

2. La Fin du Pinku eiga

La concurrence de la vidéo fait chuter la production de Pinku eiga, et égale le film érotique dès 1982. La Nikkatsu produit ses derniers « romans pornos » de qualité en 1983 avec La Femme aux seins percés de Shogoro Nishimura et La Chambre noire de Kirio Urayama.


La Femme aux seins percés de Shogoro Nishimura

L’Eiga Rinri Kanri Inkai, organe de régulation du cinéma japonais, renforce la censure dès 1984. Le label « Ropponica », plus soft, remplace le label « Roman porno » à la Nikkatsu en 1988.

3. Le Retour d’Imamura

En 1979, Shohei Imamura revint à la fiction avec La Vengeance est à moi, lançant la carrière de Ken Ogata qui tournera d’autres films avec lui comme Pourquoi pas? en 1981 et La Ballade de Narayama en 1983. Ce dernier remportera la palme d’or au Festival de Cannes.

La Ballade de Narayama
La Ballade de Narayama de Shohei Imamura

Il réalise Pluie noire en 1989, adapté d’un roman de Masuji Ibuse. « Le film évoque l’enfer vécu par les habitants d’une paisible région rurale, mourant les uns après les autres, suite aux conséquences qu’a engendrées Hiroshima, la « pluie noire » radioactive provoquée par l’explosion. »
Après quelques films de moindre envergure, Imamura retrouva l’inspiration de ses anciens films avec L’Anguille en 1996 et remporte une nouvelle palme d’or à Cannes. En 1998, il tourne Docteur Akagi, un sujet qui lui était cher, un homme à son père médecin, où il évoque le Japon rural de la Seconde Guerre Mondiale et se moque du Japon contemporain avec De l’eau tiède sur un pont rouge en 2001.

4. Les Derniers films de Kurosawa

Akira Kurosawa est le seul cinéaste de l’Âge d’or japonais à conserver une réputation égale à l’étranger.

Kagemusha
Kagemusha de Akira Kurosawa

Après s’être relancé avec Dersou Ouzala, plusieurs cinéastes américains de renoms : Lucas, Spielberg et Coppola, convainquirent la Fox de coproduire un film épique : Kagemusha. Ce film historique est une parabole sur les apparences du pouvoir, puisqu’on choisit un voleur pour devenir « l’ombre » de Shingen Takeda, blessé à mort. Kurosawa engagea Tatsuya Nakadai pour jouer ce double rôle. Le film connut un succès mondial et reçut la palme d’or cannoise en 1980.
Cinq ans plus tard, avec l’aide du producteur française Serge Silberman et d’un producteur indépendant japonais, Masato Hara, il réalisa Ran. Ce film est l’adaptation du Roi Lear de Shakespeare dans le Japon médiéval, où les trois filles deviendront trois fils.
Avec ces deux films, Kurosawa devient adulé à l’étranger et respecté au Japon.

Ran
Ran de Akira Kurosawa

En 1990, à nouveau avec une coproduction hollywoodienne, il réalise Rêves avec dans le rôle de Van Gogh, un de ses admirateurs, Martin Scorsese. Après avoir réalisé Rhapsodie en août la même année, il rend hommage à l’écrivain Hyakken Uchida dans Madadayo en 1993.
Il meurt en 1998 et ne put terminer divers projets. Son assistant, Takashi Koizumi réalisera Après la pluie en 1999 sur un scénario de son maître.

5. Les Succès de l’animé

L’animation, surnommée « Japanime », a pris de l’ampleur et triomphe au box-office. Ces films d’animations japonais gagnent même l’Occident dans la foulée des « mangas ».

Les « mangas » filmés de Katsuhiro Otomo avec Akira, Metropolis ou Steamboy sont souvent apocalyptiques mais restent marginaux face aux studios Ghibli et leurs vedettes que sont Isao Takahata et Hayao Miyazaki. Le succès d’Akira permettra d’élargir le public du genre et de nombreux titres lui emboîteront le pas dans la quête d’un réalisme total comme les films de Satoshi Kon, ami de Otomo qui l’aidera à réaliser son premier film.

Akira
Akira de Katsuhiro Otomo

L’œuvre de Hayao Miyazaki est devenue incontournable. Miyazaki évite les thèmes futuristes et préfèrent remonter en arrière, dans le passé mythique du Japon. Ses films explorent l’imaginaire et la mythologie du Japon avec Nausicaa de la vallée du vent en 1984, Mon Voisin Totoro en 1988. Ses dernières fresques fantastiques conquirent le monde entier : Princesse Mononoke en 1997, Le Voyage de Chihiro en 2001. L’obtention de l’Ours d’or au Festival de Berlin pour ce dernier film fera de Miyazaki un être adulé.

Le Voyage de Chihiro
Le Voyage de Chihiro de Hayao Miyazaki

L’œuvre de son confrère Isao Takahata est plus intimiste et secrète avec Le Tombeau des lucioles en 1988, Souvenirs goutte à goutte en 1991, Pompoko, la guerre des blaireaux en 1994 et Mes Voisins les Yamadas en 1999. Une œuvre qui porte un regard sur la société japonaise actuelle.

Le Tombeau des lucioles
Le Tombeau des lucioles de Isao Takahata

Avec son complice Isao Takahata, Hayao Miyazaki fonde les studios Ghibli en 1985, régnant ainsi sur une équipe d’une centaine de collaborateurs. Miyazaki ne s’arrête jamais de travailler, il écrit le scénario, les dialogues, dessine les personnages, les décors, le storyboard. Insatisfait permanent, Miyazaki ne dort que quatre heures par nuit, épuisant tous ses collaborateurs, un peu comme Kubrick.

Hayao Miyazaki
Hayao Miyazaki

D’autres créateurs enrichirent l’univers de la japanime. Parmi eux Satoshi Kon qui s’est imposé au monde avec des films à l’imagination débordante et parfois inquiétante comme Perfect blue en 1998, Millenium actress en 2001, Tokyo Godfathers en 2003 et Paprika en 2006 et Mamoru Oshii qui lui aussi a créé un univers fantastique avec une vingtaine de films dont Les Lunettes rouges en 2987, Ghost in the shell en 1999 et Avalon en 2001.

Paprika
Paprika de Satoshi Kon

Le « japanime » a su capter l’intérêt d’un public mondial avec une imagination fascinante traduite dans une excellente technique.
Les critiques de cinéma classent les œuvres de Miyazaki Hayao et de son Studio Ghibli, au rang des plus belles réussites de l’histoire du septième art.

Logo de Ghibli
Logo de Ghibli

6. De Nouveaux indépendants

La nouvelle génération des années 1980 et 1990 vient d’horizons très divers dont le documentaire, la seule école solide qui reste.
On retrouve Mitsuo Yanagimachi qui après avoir réalisé un documentaire sur les « bosozoku » avec God speed you, Black Emperor! En 1976 se tourna en 1979 vers les films de fiction en adaptant un roman de Kenji Nakagami, Le Plan de ses 19 ans. Il traita le problème de la drogue en milieu rural avec Saraba, adieu la terre natale! En 1982. En 1985 son film Les Feux d’Himatsuri montre sa vision des rapports complexes entre l’homme et la nature.
Après quelques films décevants, il revient en force avec un film sur le sort des immigrés chinois à Tokyo en 1991.

Who's Camus anyway ?
Who’s Camus anyway ? de Mitsuo Yanagimachi

Yanagimachi montre à nouveau les problèmes de la survie d’un indépendant où un échec commercial peut être fatal. Il revient en 2005, à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes avec Who’s Camus anyway ? Film réalisé avec ses étudiants en cinéma.

A ses côtés on peut noter la présence de Kohei Oguri qui fait preuve d’une exigence stylistique peu commune pour son époque. Il traite le thème de l’enfance avec son premier film, La Rivière de boue en 1981 puis avec Pour Kayako en 1984 parle de la minorité coréenne. Il remporte un prix à Cannes en 1990 avec L’Aiguillon de la mort, film dérangeant sur le glissement d’un couple vers la folie.
L’Homme qui dort en 1996 « est une sorte d’ovni antinarratif où il sollicite un peu trop la fascination esthétique du spectateur dans une métaphore poétique de certains aspects du Japon moderne, entre tradition culturelle et bouleversements sociaux ». Il tourne en 2005 La Forêt oubliée, belle fable sur les racines du peuple japonais.

L'Aiguillon de la mort
L’Aiguillon de la mort de Kohei Oguri

Parmi eux, un seul cinéaste réussit à s’imposer en Occident : « Beat » Takeshi Kitano. Kitano touche à tout, il est amuseur public, star médiatique, acteur et réalisateur. Il a construit en quelques films, une des œuvres les plus personnelles de ces dernières années, il détourne avec l’humour et la force du style les films de yakuzas comme dans Violent cop en 1989 ou Jugatsu en 1990. En 1993 avec Sonatine, une nouvelle variation sur des yakuzas oisifs à Okinawa, il fut révélé aux yeux du monde au Festival de Cannes.

Takeshi Kitano
Takeshi Kitano

Il porte un regard « sarcastique » sur sa propre expérience de collégien raté en 1996 avec Kids return et en 1997 montre une nouvelle facette de son univers violent, poétique et pictural avec sans doute son meilleur film Hana-Bi, Lion d’or à la Mostra de Venise.
En 1999, L’Eté de Kikujiro est une comédie en forme de road-movie picaresque.
Ses films suivants sont inégaux comme avec Brother, son seul film américain. Il retrouve son univers avec Dolls en 2001, balade poétique sur un Japon suicidaire et avec Zatoichi en 2003, personnage culte au Japon. Il nous fait découvrir son univers pictural avec Achille et la tortue.

Hana-Bi
Hana-Bi de Takeshi Kitano

Coté comédie satirique, Juzo Itami est sans doute le meilleur représentant actuel. Il critique de manière acerbe la société japonaise actuelle avec une série de films dont Funérailles en 1984, Tampopo en 1985, L’Inspectrice des impôts en 1987 ou L’Art subtil de l’extorsion en 1992.

7. Le Renouveau du cinéma fantastique

Plusieurs cinéastes vont s’inspirer d’une longue tradition fantastique locale, « remise au goût du jour par une esthétique baroque ».
Parmi eux Shinya Tsukamoto et ses transformations du corps humain accompagné d’ultra-violence dans Tetsuo, l’homme de fer I et II en 1988 et 1992, Tokyo first en 1995, Bullett ballet en 1998, Gemini en 1999 ou Vital en 2006.
Tsukamoto joue aussi en tant qu’acteur dans d’autres films fantastiques pour d’autres réalisateurs comme dans Marebito en 2004 de Takashi Shimizu.

Shinya Tsukamoto
Shinya Tsukamoto

Les films d’horreur de Shimizu sont souvent considérés comme « cultes » avec notamment la série Ju-on où il transpose dans le Japon actuel les films de fantômes basés sur la vengeance des morts. Il réalisera lui-même le remake américain avec The Grudge I, II et III de 2004 à 2008.

Ju-on
Ju-on de Shimizu

Autre maître de l’horreur contemporaine, Hideo Nakata est très apprécié du jeune public. Comme Shimizu, il a renouvelé le film de revenants avec sa série des Ring ( Ringu en 1998 et Ring 2 en 1999 ), adaptant les romans de Koji Suzuki où la terreur est initié par une cassette vidéo maléfique. Dans sa série, il reprend le thème du puits maudit, un classique du fantastique japonais.
Il tourne d’autres films du genre avec Chaos en 1999 et Darkwater en 2002, avant de partir à Hollywood pour tourner ses propres remakes avec The Ring two en 2005 et The Ring three en 2008.

Darkwater
Darkwater de Hideo Nakata

Sogo Ishii, de son côté, avait défrayé la chronique dans les années 1980 avec des films rebelles comme Burst City en 1982, Crazy family en 1984, Halb mensch en 1986, un film fantastique avec Août dans l’eau en 1995 ou Le Labyrinthe des rêves en 1997.

A côté de ce vivier de l’horreur et du fantastique japonais, Takashi Miike paraît inclassable avec un genre plus occidentalisé. Ancien assistant d’Imamura, Miike est une « sorte de génie déjanté de la série Z » avec près de 80 films. Takashi Miike avec son sens de l’horreur « quasi vomitive » est devenu un cinéaste culte. Véritable boulimique du cinéma, il passe du pire au meilleur, réalisant 5 à 7 films par an. Parmi ses films les plus marquants on note : Audition en 1999, Dead or alive en 1999, Ichi the killer en 2001, Gozu en 2003, ou Zebraman en 2004. « Takashi Miike reste le symbole d’un esprit sciemment déréglé, qui s’amuse beaucoup de sa réputation à l’étranger ».

Takashi Miike
Takashi Miike

IV. 2000 : Les Nouveaux Auteurs

Dans sa biographie, Takeshi Kitano parle du cinéma japonais. Il existe aujourd’hui, selon lui, deux types de cinéastes au Japon, « ceux, proches ou héritiers d’Akira Kurosawa, qui aiment metttre en scène des situations très marquantes et des personnages aux identités forte, et ceux qui, à l’inverse, à la façon de Yasujiro Ozu, au gré d’un cinéma très intimiste fait de petits détails à peine visibles, rendent compte des petits riens et des vibrations de la vie de tous les jours. »

Les festivals révèlent chaque année de jeunes cinéastes à l’écriture et aux préoccupations nouvelles, mais qui sont souvent hantés par les fantômes du passé.
Le film Suzaku de Naomi Kawase, caméra d’or à Cannes en 1997 se rapproche du cinéma d’Ozu avec sa lenteur calculée du portrait d’une famille rurale.

Suzaku
Suzaku de Naomi Kawase

D’autres cinéastes filment diversement l’adolescence et ses problèmes comme Shinji Somai avec Typhoon club en 1985, Yoichi Higashi avec Le Village de mes rêves en 1996 ou Ryosuke Hashigushi avec Grains de sable en 1996.
Ces films témoignent d’une volonté de poursuivre un discours personnel sur le Japon d’aujourd’hui.

De nouveaux cinéastes d’ « auteurs » apparurent aux côtés de ceux du cinéma coréen à partir des année 1990.
Cette nouvelle génération de cinéastes est plus « cinéphile » que ses aînés, et prête plus d’attention à la critique internationale.

Sous l’influence du professeur Shigehiko Hasumi, quelques cinéastes passèrent à travers les mailles des festivals et s’imposèrent sur la scène internationale, dont Kiyoshi Kurosawa, Shinji Aoyama et Nobuhiro Suwa.

D’abord surnommé le « petit Kurosawa » pour le différencier du « grand Akira », Kiyoshi Kurosawa a commencé sa carrière par des films de genre, érotiques avec The Excitement of the Do-Re-Mi-Fa girl en 1995 ou de yakuzas avec Kandagawa wars en 1983 et Le Gardien du sous-sol en 1992.
Il est révélé à l’étranger avec le thriller Cure en 1997. Au crédit d’un univers plus personnel, il va développer son intérêt pour le paranormal et pour la schizophrénie criminelle, devenant un des maîtres du fantastique moderne avec des films comme Le Chemin du serpent en 1998, Charisma en 1999, Kairo en 2001, qui l’impose parmi les maîtres du cinéma de la peur ou Retribution en 2006, tous des étapes dans sa quête d’une surréalité parfois effrayante.

Tokyo Sonata
Tokyo Sonata de Kiyoshi Kurosawa

Il remporte un prix spécial du Jury au Festival de Cannes avec Tokyo Sonata, sa huitième collaboration avec l’acteur Koji Yakusho.

Aoyama « est plus proche d’une réalité qu’il tire vers le fantastique dans ses meilleurs films ». S’il est découvert avec Helpless en 1996 et Une Obsession, il est révélé au Festival de Cannes en 2000 avec Eureka, « fascinant » road-movie. Ses films suivant n’auront pas la même envergure, enchainant les échecs.

Eureka
Eureka de Shinji Aoyama

Suwa est le plus réaliste des trois et s’est imposé sur la scène internationale avec des films plutôt intellectuels, influencés par sa formation de documentariste. Il explore les relations dans la société contemporaine du couple ou de la famille avec Duo en 1997 et Other en 1999. Il rend hommage à Resnais avec H-Story en 2001. Il tourne Un Couple parfait en France en 2005. Son cinéma « d’auteur » rencontre un succès critique à l’étranger mais est méconnu au Japon.

H-Story
H-Story de Nobuhiro Suwa

Ces dernières années, d’autres cinéastes appréciés dans les différents festivals comme Hirokazu Koreeda et Naomi Kawase représentants d’un « nouveau » cinéma d’auteur personnel.

Hirozaku Koreeda
Hirozaku Koreeda

Koreeda se fit remarquer sur la scène internationale avec Maborosi en 1995, son premier film, portrait de femme des ombres, « dont la lenteur et l’absence volontaire de dramaturgie ont pu évoquer une référence facile au cinéma d’Ozu. » Il aborde le thème de la mort dans After life en 1998 puis celui des sectes criminelles au Japon dans Distance en 2001.
En 2004 il obtient un succès critique et public à Cannes avec Nobody knows, « où il joue beaucoup sur l’émotion, en filmant de façon très libre un groupe d’enfants abandonnés par leur mère, d’après un fait divers réel. Toujousr à Cannes, il remporte la Palme d’or pour Une Affaire de famille, film dans lequel une famille pauvre et modeste recueille une enfant battue, un soir d’hiver, lui offrant amour et tendresse, critiquant ainsi la famille japonaise traditionnelle.

Naomi Kawase
Naomi Kawase

Naomi Kawase est propulsée sur la scène internationale à seulement 28 ans grâce à la Caméra d’or de Suzaku et devient une « star » du cinéma d’auteur.
On retrouve dans son œuvre « un sens visuel étonnant, une façon unique de filmer la nature dans son environnement natal, et une approche réelle des gens qu’elle filme ».
On notera un recours à l’improvisation au jour le jour et d’une absence délibérée de scénario.
Après l’échec de Hotaru en 2000, elle revient avec Shara en 2003 et remporte en 2007 le Grand prix du festival de Cannes avec La Forêt de Mogari où elle montre son sens de la nature et du mystère.

Tous ces nouveaux cinéastes d’auteur japonais n’eurent pas la chance d’acquérir une notoriété à travers les festivals de prestige. Parmi eux on peut citer Akihiro Shiota qui s’intéresse aux dysfonctionnements de la société japonaise dans Hamful insects en 2001, Resurrection en 2003 et Canary en 2005, Jun Ichikawa, « cinéaste des mystères de l’Âme et des émotions secrètes » avec dans ses films, une atmosphère envoûtante et des sujets difficiles : Bosu en 1987, Mourir à l’hôpital en 1993, Frères et sœurs de Tokyo en 1995 ou Tony Takitami en 2004, Junki Sakamoto avec un cinéma populaire et personnel : Knockout en 1989, Le Visage en 2000, M a maison en 2003 ou Out of this world en 2004, Yoshimitsu Morita avec une marque personnelle et un goût pour la satire : Family game en 1983, Main Theme en 1984, Hal en 1996 ou Colourful en 2000, Masayuki Suo avec des films comme Sumo do sumo don’t, une comédie ou Shall we dance ? En 1996, un mélodrame musical, Yojiro Takita qui a réalisé une des satires les plus féroces sur le monde des médias japonais avec Comic magazine.
On peut citer Shunji Iwai, cinéaste très « mode », hyperpopulaire auprès d’un public jeune et branché au Japon mais qui ne put imposer son « style » en dehors. Au Japon il connut le succès avec des films comme Love letter en 1995, Iwallowtail butterfly en 1996 ou April story en 1998.

Kamikaze girls
Kamikaze girls de Tetsuya Nakashima

Certains films parviennent parfois à nous rappeler que le cinéma japonais ne se restreint pas qu’à quelques auteurs, parmi lesquels on peut noter Kamikaze girls de Tetsuya Nakashima en 2004, L’Album du village de Mitsuhiro Mihara en 2004 qui nous ramène vers les valeurs ancestrales du Japon ou dans un genre plus violent Battle royale de Kinji Fukusaku avec Takeshi Kitano comme acteur, qui a fait scandale au Japon par sa violence gratuite.

Battle royale
Battle royale de Kinji Fukusaku

Les cinéastes japonais contemporains, comme leurs aînés questionnent leur monde comme les règles du septième art. « Leurs richesses enthousiasmantes témoignent de la richesse intacte du cinéma japonais. »

TitCalimero

Source :
*Le cinéma japonais de Max Terrier, aux éditions Armand Colin 2008
*Dictionnaire du cinéma asiatique sous la direction de Adrien Gombeaud, aux éditions Nouveau Monde Edition 2008