L’Exposition Scorsese à la Cinémathèque Française (14/10/2015 – 14/02/2016)

L’exposition Scorsese est sans aucun doute l’un des évènements cinématographiques de l’année. Comme pouvait en témoigner la longue file d’attente devant la billetterie, Martin Scorsese est un réalisateur populaire qui a su conquérir le cœur du public grâce à des films tels que : Taxi Driver (1976) qui avait obtenu la Palme d’or en 1976, (et que l’on peut d’ailleurs voir à l’exposition), Raging Bull (1980), Les Affranchis (1990), Casino (1995) ou plus récemment Les Infiltrés et Shutter Island.

L’exposition est organisée selon des thématiques chères au réalisateur new-yorkais : la famille italo-américaine, la fratrie et l’amitié, les rapports hommes-femmes, la crucifixion, New York, la cinéphilie, les techniques filmiques et enfin la préservation et la restauration des films.

L’exposition débute donc sur les origines italiennes, et en particulier siciliennes de Martin Scorsese et son enfance dans le quartier de Little Italy à New York. On y découvre la famille du réalisateur et l’influence de cette culture sur son œuvre à travers de nombreuses photographies, documents et une vidéo tirée de « Mon voyage en Italie ».  La famille étant un élément centrale dans la culture italienne, c’est tout naturellement que l’exposition aborde alors la question de la fratrie que l’on trouve à de nombreuses reprises dans l’œuvre de Martin Scorsese. Il peut s’agir de frères d’armes comme dans Mean Streets (1973), Les Affranchis (1990), Casino (1995) ou de frères de sang comme dans Raging Bull (1980).

Une partie de l’exposition est consacrée aux rapports hommes-femmes dans l’œuvre du réalisateur. En effet, quand on pense au cinéma de Martin Scorsese, on pense surtout à des héros masculins souvent incarnés par des acteurs magistraux tels que Robert De Niro, Harvey Keitel ou Leonardo DiCaprio mais ce serait oublier la présence de certains personnages féminins très intéressants : Alice dans Alice n’est plus ici (1974), Francine dans New York-New York, Ellen Olenska dans Le temps de l’innocence (1993), Ginger dans Casino (1995), Katharine Hepburn dans Aviator. Ellen Burstyn (Alice n’est plus ici) et Cate Blanchett (Aviator) ont d’ailleurs toutes les deux remporté un Oscar pour leur performance.

L’influence de la religion catholique dans l’œuvre du réalisateur est ensuite abordée. Martin Scorsese s’amuse souvent à rappeler qu’il a songé à rentrer dans les ordres. Les grands thèmes de la religion catholique se retrouvent dans l’œuvre du cinéaste. En effet, il est souvent question de faute, d’expiation, de pardon, de culpabilité et de rédemption. Les motifs religieux sont courants dans l’œuvre du réalisateur : l’importance de la cathédrale Saint Patrick et la célébration de San Gennaro dans Mean Streets (1973), les figures de martyrs (Taxi Driver, Raging Bull), les tatouages de Max Cady dans Les nerfs à vif (1991) et etc … La figure de la crucifixion est présente dans de nombreux films : Bertha Boxar (1972), Mean Streets (1973),  La dernière tentation du Christ (1988) et etc ….  Enfin, il a même adapté La dernière tentation du Christ de Nikos Kazantzákis (1988) et adaptera Silence de Shûsaku Endô qui raconte l’histoire de missionnaires envoyés au Japon au XVII ème siècle. Notons également que Martin Scorsese s’est intéressé à la vie du Dalai Lama dans Kundun (1997).


New York qui a vu naître le réalisateur a su trouver une place de choix dans son œuvre. Loin d’idéaliser sa ville favorite, Martin Scorsese a su dépeindre New York tel qu’il la perçoit. Ses premiers films Who’s that knocking at my door (1967) et Mean Streets (1973) se déroulent dans le quartier de Little Italy où a grandi le réalisateur. Taxi Driver (1976) et A tombeau ouvert (1999) présente New York comme une ville déchue où la drogue, la prostitution et la frénésie règnent en maître.  D’une certaine manière, on retrouve ces aspects dans Le loup de Wall Street (2012). New York apparaît tout aussi inquiétante dans After Hours (1985).  Il a également consacré deux films à un New York plus ancien : Le temps de l’innocence (1991) et Gangs of New York (2002).

Une partie de l’exposition est consacrée aux éléments composant le style de Martin Scorsese : la fluidité de sa caméra, les changements fréquents de vitesse et etc …. Les nombreux écrans diffusant des extraits de films permettent aux spectateurs de découvrir ou de redécouvrir ce style si particulier. La musique est un élément important dans les films du réalisateur et une pièce y est entièrement consacrée. Enfin, des story-boards annotés, montrant plan par plan la création du film, sont présents tout au long de l’exposition et montrent bien que le réalisateur suit scrupuleusement ces documents. L’exposition s’intéresse également au travail de Thelma Schoonmaker, la monteuse attitrée de Scorsese mais aussi à celui de Sandy Powell, costumière de renom qui collabore avec le réalisateur depuis Gangs of New York (2002) et de Dante Ferretti, illustre décorateur italien. On regrette cependant que l’exposition ne soit pas davantage fournie en objets. En effet, seule la robe de Katharine Hepburn portée par Cate Blanchett et l’un des costumes portés par Leonardo DiCaprio dans Gangs of New York sont présentés.

La robe portée par Cate Blanchett dans Aviator. Exposition Cinémathèque française.


L’exposition se termine sur la passion de Martin Scorsese : le cinéma. Cinéphile averti et passionné, il a créé avec Stanley Kubrick et Steven Spielberg The Film Foundation  afin de préserver et restaurer des films. On peut alors découvrir d’innombrables lettres envoyés par d’illustres réalisateurs souhaitant aider Scorsese dans sa démarche : Terrence Malick, Sidney Lumet, Frank Capra et etc …… Cette passion pour le cinéma et les films qui ont contribué à l’histoire du cinéma se retrouve clairement dans Hugo Cabret (2013). Enfin, un panneau est consacré à Alfred Hitchcock que Scorsese considère comme un maître du « cinéma pur ». Certains collaborateurs du maître du suspense ont d’ailleurs collaboré avec Scorsese : Bernard Herrmann, Saul Bass.
En conclusion, l’exposition consacrée à Martin Scorsese est une belle exposition qui reprend les grands thèmes de son cinéma. En dépit de la richesse des informations proposées, l’exposition aurait pu être encore meilleure s’il y avait eu davantage d’objets provenant des films et surtout si l’exposition avait été organisée différemment. En effet, l’exposition attire beaucoup de monde car Martin Scorsese est un réalisateur populaire et la disposition de l’exposition n’est pas faite pour accueillir tant de monde. Il y a de nombreux écrans et beaucoup de personnes stationnent devant ces écrans afin de voir ou revoir des scènes cultes des films qu’ils ont aimé ou qu’ils ne connaissent pas encore, ce qui a pour conséquence de gêner la circulation au sein de l’exposition. Il y a même un passage où les visiteurs doivent revenir sur leurs pas pour pouvoir continuer la visite, ce qui crée un bouchon. Enfin, en tant que grande admiratrice de Scorsese, je dois dire que j’ai eu l’impression que l’exposition était clairement orientée pour un public amateur ne connaissant pas nécessairement toute l’œuvre du réalisateur. C’est très bien fait pour ce public qui a dû apprendre une quantité de choses incroyables mais cela l’est moins pour un public initié qui reste un peu sur sa faim.

Compléments :
Pour poursuivre la visite, voici quelques documents :

Crédits :