La Cinquième Génération du Cinéma Chinois

I. Contexte – Arrivée de Cinéastes Chinois Formés à l’Institut de Pékin

La cinquième génération est la première génération de cinéastes qui apparaît après la Révolution culturelle. Dès 1983 de fortes incitations officielles pour les cinéastes sont mise en place pour qu’ils améliorent la qualité de leurs oeuvres avec la mise à leur disposition de moyens techniques modernes. C’est cette année là, que débutent certains cinéastes qu’on appellera de la « cinquième génération », sortis pour la majorité l’année précédente de l’Institut de Pékin qui avait été réouvert en 1978. Le cinéma reste quand même sous tutelle politique mais l’année 1984 verra sur la fin des contraintes se terminer comme pour les studios la possibilité de diffuser leurs films sans passer par les organes éradiques. Xie Yuchen de retour dans les studios chinois en 1984, avec sa femme et ses enfants, déclara avoir constaté des conditions de travail dans les studios de Pékin et de Shanghai comparables à celles de Taïwan, Hong Kong et du Japon.

Wu Tianming Wu Tianming, chef du studio Xian

II. Emergence de la « Nouvelle vague » Chinoise

Au cours de l’automne 1984 on découvre lors du festival du 35e anniversaire de la république un film d’un jeune metteur en scène, alors inconnu : La Terre Jaune de Chen Kaige. Son film n’attira l’attention que quand on lui décerna le Coq d’or de la meilleure photographie en 1985. Au neuvième Festival international de Hong Kong, il créa « l’événement », les critiques étrangers le considérant comme un des meilleurs films chinois depuis 1949, Joris Ivens dira « le plus remarquable que la Chine ait jamais produit ». « L’émergence de la Nouvelle Vague chinoise fut consacrée au festival 1985 de Hong Kong avec la projection de La Terre Jaune comme celle de la Nouvelle vague française le fut à Cannes en 1959 avec la sélection des Quatre cents coups de François Truffaut par le Festival. Dans La Terre Jaune, Chen Kaige se plonge dans l’univers paysan qu’il retrouvera dans Le Roi des enfants. Le film est d’un réalisme « franc et cru », ce réalisme que reprendra dans ses films Zhang Yimou. « Le réalisme, ici, c’est aussi l’image de l’homme que domine la nature et non pas le contraire, comme le voulait le défunt réalisme socialiste ». La jeune Cuiqiao est « broyée par la société, ses traditions et ses conventions ». Ce film rompt le mélo romantique, il incarne « la fin de l’ère des films conventionnels mélodramatiques ».

 La Terre Jaune La Terre Jaune de Chen Kaige

« Le choc visuel » provoqué par La Terre jaune est réitéré l’année suivante avec Le Voleur de chevaux de Tian Zhuangzhuang, autre représentant de la 5e génération. Michel Ciment écrira que le film « marque peut-être l’amorce d’un printemps cinématographique dans l’industrie chinoise du film ». La Terre jaune fit connaître le cinéma chinois au monde entier, pourtant ce film fut très controversé en Chine même, « nul n’est prophète en son pays ». Heureusement le film aura des défenseurs dont Zheng Dongtian, professeurs à l’Institut de cinéma de Pékin, qui dira que des films tels que La Vie et La Terre jaune « marque le début d’une nouvelle marche vers un authentique style chinois ».

III. Caractéristique de la Cinquième Génération du Cinéma Chinois

Les films des générations antérieurs à la révolution culturelle étaient tous faits de la même manière, avec des personnages formatés, des plans en contre-plongée pour les héros et pour les méchants, la source de lumière toujours d’en bas. Tout était prévisible. Après la révolution culturelle, les cinéastes s’aperçurent qu’une réflexion spirituelle et intellectuelle leur faisait défaut. Ils s’interrogèrent en examinant leur passé, sur le sens de la vie, sur la quête spirituelle et sur le rapport aux autres. Les cinéastes de la cinquième génération s’écartent des méthodes cinématographiques traditionnelles et se rapprochent du cinéma d’auteur à la française avec des méthodes plus libres et moins commerciales. Cette cinquième génération découvrit à l’Institut de Pékin, le néoréalisme italien, la nouvelle vague française, le nouveau cinémad allemand et aussi Truffaut, Godard, Rossellini et de très nombreux chefs-d’oeuvres européens. Ils comprirent qu’au lieu d’être l’outil de la propagande, le cinéma pouvait exprimer leurs sentiments les plus profonds et les aider à se comprendre eux-mêmes, à comprendre l’humanité entière et que le cinéma était un moyen d’expression libre. Cette cinquième génération à qui il manquait une certaine culture générale avait une soif de connaissance après la révolution culturelle et utilisèrent une curiosité d’esprit et cette envie d’apprendre à l’Institut du cinéma. Pendant leurs études à l’Institut du cinéma, ils découvrirent la différence entre les films chinois et les films occidentaux dont ceux d’Hollywood. Ils allièrent dans leurs premiers films, l’esthétique chinoise traditionnelle au modernisme européen. Le cinéma européen moderne exerçant sur eux une forte influence. Bien qu’ils aient des aspirations communes, les cinéastes de la cinquième génération feront leur chemin en ordre dispersé. Ils partagent « des préoccupations, des points de vue et une expression plus culturels que politique quant aux problèmes de l’homme et de la société ». Le cinéma est une façon « de voir », « derrière la caméra c’est l’œil qui décide de tout ». Selon Chen Kaige, « la chose la plus importante pour les films de la cinquième génération, c’est la manière de raconter qui est totalement différente de celle de ses prédécesseurs ». La manière de dire compte plus que ce qui est dit, c’est le style « sans action » qu’évoquait Zheng Xuelai. De Beer parle du « virage du cinéma chinois en direction de films qui reflètent davantage la réalité telle qu’elle est et nons plus telle que la voulaient les canons du parti communiste ».

Chen Kaige Chen Kaige

D’autres points communs caractérisent cette cinquième génération, « leur façon de manier la caméra, d’utiliser l’espace, l’environnement, souvent au détriment des personnages, du choix des thèmes et de leur traitement. » Ils privilégient les films à sujets ruraux qui « exaltent les paysages et le rapport à la nature ». « Les paysages sont filmés d’une manière qui évoque la tradition picturale extrême orientale, où la forme artistique épouse la forme naturelle, où les personnages humains ne sont que des détails dans le cosmos ». « Les personnages ne sont plus stéréotypés, ils privilégient la psychologie de leurs personnages ». On retrouve souvent un individu en conflit avec la société, des jeunes filles mariées de force. Leurs films situent leur action dans le passé. Ils gardèrent un ressentiment important, car ils avaient connu la révolution culturelle. Cette rancoeur a fait écho à tous les chefs-d’oeuvre qu’ils avaient découverts pendant leurs études. Les films qui ont fait l’éducation cinématographique de la cinquième génération sont les films des années 1950, d’avant la révolution culturelle, imprégnés d’héroïsme. Pourtant leurs films furent très différents, se rapprochant parfois des films des années 1930 et 1940 parlant des petites gens, des gens ordinnaires où les héros sont souvent absents. Les cinéastes de cette cinquième génération possédaient une culture cinématographique allant au-delà de leur cinéma national. Certains d’entre eux firent des séjours aux Etats-Unis afin de compléter leurs connaissances ou de terminer leur formation.

IV. L’année 1987 dans le Cinéma Chinois

1987 reste une année forte pour le cinéma chinois. Le Vieux Puits, le dernier film de Wu Tianming, mentor de la cinquième génération, sera récompensé au Festival international de Tokyo et Zhang Yimou réalise sa première œuvre de metteur en scène, Le Sorgho Rouge et sera lauréat de l’Ours d’Or au Festival de Berlin. De son côté Chen Kaige réalise son troisième film, Le Roi des enfants. Ces trois films sortis en même temps montrent des points communs entre trois réalisateurs phares de cette génération : « la mise en valeur dominante d’une couleur », « la mise en relief de la confluence de la rudesse de la nature et de celle des hommes ».

Zhang Yimou Zhang Yimou

Le Roi des enfants sera le premier film de Chen Kaige réalisé sans la collaboration de Zhang Yimou. Celui-ci sera remplacé par Gu Changwei à la caméra, qui sera aussi le caméraman de Zhang. « Le Roi des enfants déconstruit la culture chinoise », Chen Kaige nous montre que pour élargir sa culture, l’invention peut contribuer, un instituteur invente un nouveau caractère, il ne suffit pas de reproduire, il existe une culture autodidacte. « Pour accéder à l’imaginaire, la libre pensée, les élèves doivent désapprendre la langue de bois de leurs parents et s’ouvrir aux influences extérieurs ». Il fut le premier film chinois admis en compétition à Cannes. Si les prétentions philosophiques de Chen Kaige sont réelles, Le Sorgho Rouge, à l’image de ses prochains films, est totalement dénué d’intellectualisme. Dans les films de Zhang Yimou, « tout est mouvement, action, pulsion et impulsion. Dans Le Sorgho Rouge, une jeune fille est vendue contre un mulet à un propriétaire foncier malade de la lèpre. Pendant qu’elle est conduite chez son marie, elle s’éprend d’un jeune porteur du palanquin. « A la mort du mari, l’amour passionné qui lie les deux jeunes gens va occuper l’écran jusqu’à la fin ». Le film est d’un réalisme cru et nous montre de nombreuses scènes violentes. « Des tabous tombent dans Le Sorgho Rouge, chronique rurale Âpre, rude, brutale, aux couleurs du vin, du sang, du soleil et du feu. » L’authenticité brutale du film de Zhang Yimou vient sans doute de son expérience de travail à la campagne.

Le Sorgho Rouge Le Sorgho Rouge de Zhang Yimou

« Le rouge est aussi la couleur de la flamme dont brûle la passion, et source de chaleur, la couleur du cœur aussi. » « Les personnages dont l’instinct dirige l’action, semblent affranchis de toute contrainte, ils apparaissent comme de pus produits de la nature brute, celle où le mouvement, le frémissement, le bruissement du sorgho donnent son rythme au film, y compris dans les scènes d’amour ». Les scènes de violence sont d’une rare brutalité. Le Point dira que Zhang « prouve là, si besoin en était, que quelque chose bouge dans le cinéma chinois ». L’Ours d’Or de Berlin que gagnera Le Sorgho Rouge en 1988 contribuera à la découverte du cinéma chinois par le public occidental. C’est, quelques années plus tard, avec Epouses et Concubines du même Zhang Yimou, que le cinéma chinois remportera son premier triomphe d’audience à l’étranger. En 1987, le directeur du studio de Xi’an désire privilégier le cinéma d’auteur avec une haute qualité artistique mais aussi gagner de l’argent pour le studio. Les cinéastes chinois préféraient choisir des thèmes excentrés par rapport à la réalité quotidienne, de leur côté, les autorités politiques souhaitent un choix de thèmes plus contemporains. En 1984, 60% des films réalisés concernaient des thèmes contemporains. Chen Haosu, le nouveau vice-ministre en charge du cinéma, annonce la création d’une fondation destinée à subventionner dans les cinq années à venir un choix de films dont les thèmes relèveraient de l’une ou l’autre des trois catégories jadis privilégiées : les films historiques sur les luttes anti-impérialistes, les combats révolutionnaires du peuple et la construction de la société nulle et dont le coût de revient dépasserait un million et demi ou deux millions de yans, car le nombre de films traitant de ces sujets est en chute libre.

Gong Li Gong Li

Le Festival de Pékin en 1987 permet de dresser un bilan du cinéma chinois. Petit à petit de nombreux tabous tombent un à un, Le Puits de Yao Yikin parle de la mésentente au sein du couple et du droit de la femme à « refaire sa vie ». Une Femme honnête de Huang Yianzhong parle des mariages arrangés, La Poissonnerie Yamaha parle des difficultés d’insertion des jeunes dans la société, Les Guitaristes des rues de certains phénomènes de marginalisation de la jeunesse, Les Montagnes sauvages parle de la pression sociale sur les couples, L’Ode à la jeunesse de Zhang Nuanxin évoque les blessures de la jeunesse durant la révolution culturelle. Le cinéma chinois parle aussi des mères célibataires, et de l’amour en montrant des nus, encore très pudiques, ainsi que des baisers. Hormis la contestation politique, il reste peu de tabous. Début 1988 Teng Yinxian, le nouveau directeur du bureau de cinéma parle de la richesse de l’année 1987 avec de nombreux films traitant des sujets concernés par les réformes, de la variété des styles et de la « beauté descriptive » de nombreux films.

V. Changement dans la Cinquième Génération

Le cinéma se porte on ne peut mieux avec vint milliards de spectateurs, pourtant de nombreux acteurs et actrices se retrouvent au chômage et seulement la moitié des 570 réalisateurs ont pu tourner un film annuellement. Le studio de Pékin est en sur effectif avec près de 90 réalisateurs pour une production de 23 films en 1987, la situation est identique à Shanghai. En janvier 1988, les représentants de 16 studios se réunirent et reconnaissent quel leur industrie est en récession et seul 20% des films de l’année 1987 satisfont les spectateurs. Pour y remédier, l’industrie veut privilégier les films pour les enfants et les films dont le sujet concerne la réforme ou qui sont fondés sur des thèmes ruraux. La majorité des films tournés en 1988 étaient différents de cet « autre cinéma, délibérément en rupture avec le passé » qui avait été initié par les jeunes sortis de l’Institut de cinéma de Pékin entre 1982 et 1984. Ni Zhen, critique chinois, annonçant « l’avènement du cinéma post-cinquième génération » le 31 décembre 1988.

Huang Jianxin Huang Jianxin

Toutefois quelques cinéastes de cette génération apparurent et réalisèrent leurs premiers films en 1988 après avoir réalisé de nombreux scénarios, comme Nie Xinru et Wu Jianxin. On retrouve ainsi deux films : Le Village des veuves et Cinq filles et une corde. L’évolution du cinéma chinois est liée à la conjoncture politique. Le 8 février, Rui Xingwen exalte les « Cents fleurs » devant des écrivains et des artistes « il circonscrit le champ des interventions du pouvoir dans leur domaine en limitant aux seuls cas d’opposition à la direction du Parti ou à la voie socialiste, de sabotage du pouvoir d’Etat, d’atteinte à la Constitution et aux lois, et de diffusion de la pornographie. Le dramaturge Cao Yu appela à son tour à davantage de liberté. Une agence du droit d’auteur « fut créée au début d’avril à Pékin », les réalisateurs se retrouvaient ainsi plus libres.

Tian Zhuangzhuang Tian Zhuangzhuang

La crise de 1989 pointant son nez, de nombreuses manifestations eurent lieu du 15 avril 1989 au 4 juin 1989 sur la place Tian’anmen, dénonçant la corruption et réclamant des réformes politiques. La cinquième génération a disparu avec les événements de Tian’anmen de 1989, de nombreux réalisateurs s’exilèrent, surtout aux Etats-Unis mais certains continuèrent à sortir des films. Suite à la crise, les autorités appelèrent à faire des films qui « servent le peuple et le socialisme », la censure annula le tournage de nombreux films et certains films furent interdits de sélection dans des festivals internationaux. Tian Zhuangzhuang présentera à Cannes Le Cerf-volant bleu sans l’aval des autorités chinoises en 1993 et sera interdit de tourner de ce fait pendant 9 ans.

VI. La 5e Génération après Tian’anmen

1. Conquête des marchés internationaux

Malgré divers embuches sur le marché national, le cinéma chinois poursuit sa conquête des marchés internationaux et est toujours présent dans de nombreux festivals. En 1990, USD consacra cinq pages sur le cinéma chinois et présenta les réalisateurs Zhang Yimou et Xie Jin, les acteurs Yang Zoribao et Jian Wen et les actrices Xiang Mei et Liu Xiaoqing.

Xie Jin Xie Jin

En 1990, à Cannes se tint en début d’année une semaine du cinéma chinois. La Neige noire de Fei Xie remporta un Ours d’argent au Festival de Berlin.

La Neige Noire La Neige Noire

Ju Dou, le nouveau film de Zhang Yimou est sélectionné au Festival de Cannes. Le département du film et de la télévision de l’université de Californie ( UCLA ) organisa du 4 au 6 janvier une conférence sur le thème « Cinéma et développement social dans trois sociétés chinoises : Chine continentale, Hong Kong et Taïwan dans les années 1980 ». En 1992, quatre films de la République populaire de Chine se retrouvèrent sur les écrans parisiens. Si La Vie sur une corde de Chen Kaige ou L’Eunuque impérial de Tian Zhuangzhuang n’obtinrent pas le même succès que Epouses et concubines, Qiu Ju, une femme chinoise de Zhang Yimou enregistrera quant à lui d’emblée un chiffre d’entrées prometteur. Le 7 octobre 1993 se déroule le premier Festival International du cinéma de Shanghai. Le Festival a pour but de présenter les nouveaux films chinois aux distributeurs et aux spectateurs. Son slogan était « établir la liaison avec le circuit international ». On retrouve 164 films de 33 pays différents dont 19 en compétition et 34 films chinois de leurs productions, et une vingtaine de studios étrangers. Malgré ceci, aucun film chinois produit en 1993 ne trouva d’acheteur. Le jury était présidé par Xie Jin avec Oshima, Paul Cox, Oliver Stone etc… La vedette du festival fut Bai Yang qui avait passé cinq ans en prison pendant la révolution culturelle.

Bai Yang Bai Yang

Furent présentés certains films de la cinquième génération comme Portrait de famille de Li Shaohong, Après la séparation de Xia Gang ou San Mao en campagne de Zhang Jianya, qui évoque Charlot soldat. On retrouve aussi Les Femmes du lac parfumé de Xie Fei, lauréat de l’Ours d’or à Berlin quelques mois plus tôt.

2. Les cinéastes chinois exilés

Wu Tianmin qui vivant depuis avril 1989 aux Etats-Unis répondit à Shao Mujun qui dénonçait les films dits de divertissements « apparus après la mode Xie Jin » et les œuvres de la cinquième génération qui selon lui « n’existent que pour satisfaire le besoin de sexe et de violence du public », et disant « on a dit, note-t-il que c’est un phénomène qui s’apparente plutôt à la corruption d’une honnête fille pour qu’elle devienne une prostituée et que l’industrie cinématographique est aujourd’hui comme un guerrier, la main sur sa lance, qui se demande où va se dérouler le combat. Et maintenant, qu’est-ce qu’on peut faire pour sauver cette industrie ? ». Wu Tianmin qui selon lui comptait rapidement rentrer au pays pour y tourner de prochains films fit des propositions pour sauver le cinéma chinois, notamment une révision du système de propriété qui régissait la production, et la distribution des films en permettant « au capital privé d’entrer dans l’industrie cinématographique » dans une limite de 49% En attendant son retour, il enseignait l’histoire du cinéma chinois à l’université de Davis. Selon lui les dix dernières années représentaient « une sorte d’Âge d’or » du cinéma chinois et espérant que les cinéastes actuels puissent « continuer à produire des films dans le même esprit ». Aux côtés de Wu Tianmin, on retrouve aux Etats-Unis, la réalisatrice Peng Xiaolian qui victime de la censure le 14 juin 1989 voyant son projet annulé, décida d’accepter une bourse d’un an à l’instar de Chen Kaige. Pourtant ces trois réalisateurs ne se considèrent pas en exil ou émigrés car tous trois comptent revenir au pays pour tourner un film.

Peng Xiaolian Peng Xiaolian

Chen Kaige tournera La Vie sur une corde dès son retour en 1990. Zhang Zeming, parti à Londres, Huang Jianxin, en Australie, de leur côté, n’attendaient que des jours meilleurs pour revenir en Chine. Tandis que Zhuangzhuang, pour sa part, qui était parti en Italie en 1989 était déjà revenu en Chine. D’autres cinéastes préférèrent l’exil comme Dai Sijie à Paris, Zhang Tielin à Londres, Ma Yingli à Berlin. Tous trois ne comptant pas rentrer en Chine. Préparé par Chen Kaige pendant son année passé aux Etats-Unis, son nouveau film, La vie sur une corde, fut tourné dans cinq provinces chinoises d’août à novembre 1990 et put voir le jour grÂce à l’apport de fonds de cinq pays différents. La Vie sur une corde provoque une véritable choc. Ce film nous montre deux musiciens aveugles, un jeune et un vieux, parcourant les campagnes chinoises. Les grands espaces sont systématiques dans ce film, les deux hommes sont perdus dans cette immense nature et apparaissent ainsi plus fragiles. Cette vulnérabilité, fragilité n’est-elle pas due à la solitude de l’homme dans la société ? Chen Kaige revient au cadre rural, tout en situant l’action de son film dans un passé non défini, deux pratiques en rupture avec « le cinéma urbain ».

La Vie sur une corde La Vie sur une corde

3. Ju Dou – Zhang Yimou

De son côté, Zhang Yimou a déjà réalisé son deuxième film, Ju Dou, sélectionné au Festival de Cannes. Comme dans Le Sorgho rouge, Ju Dou, une nouvelle fois jouée par Gong Li, est une jeune montagnarde achetée par un riche patron souffrant d’impuissance sexuelle. Le rouge domine ce film avec l’incendie, les toiles teintes, le sang etc… « Ju Dou est un double du Sorgho rouge », on retrouve « la même violence, la même cruauté ». « Les deux personnages principaux de Ju Dou, expliquera Zhang Yimou, incarnent d’une part l’homme soumis à son instinct, à son besoin de vivre et d’autre part celui qui essaie de lutter contre son sort. Hélas, limités par leur nature, ils aboutiront à une fin qui va toujours à l’encontre de leur volonté. »

Ju Dou Ju Dou

Outre la couleur, Ju Dou marque également, comme les autres films de Zhang, par ses cadrages, « ils annoncent la rigueur de ceux qui caractériseront fortement son prochain film, Epouses et concubines ». « A la tempête intérieure qui ravage les protagonistes s’oppose la pure beauté du cadre extérieur à la teinturerie, lieu clos où se noue et se dénoue l’essentiel du drame : un modeste bourg située au pied des célèbres monts Huangshan. Pour pouvoir financer son film, Zhang Yimou a du faire coproduire Ju Dou par la société japonaise Tokuma, plus tard il fera financer Epouses et concubines par une compagnie de Taïwan.

Zhang Yimou Zhang Yimou

4. Censure et Loi sur le droit d’auteur et leurs effets sur la 5e génération

Une loi sur le droit d’auteur fut adopté, elle prendra effet le 1er juin 1991. JM Frodon dit le 4/11/1991 « Quant à la Chine, qui alimenta bien des espoirs au milieu des années 80, elle subit aujourd’hui une censure féroce, encore aggravée par le flou des critères de décision et l’absence d’interlocuteurs constants ». Pourtant rien ne permettait d’affirmer que « le renouveau du cinéma chinois [était] aujourd’hui noyé dans le sang de Tiananmen et que la cinquième génération n’avait plus depuis juin 1989 le choix qu’entre l’exil et le silence ». « Les récents films de Tian Zhuangzhuang, de Chen Kaige, de Zhang Yimou, voire celui de Zhang Nuanxin, ceux qu’ils étaient déjà en train de préparer ( Epouses et concubines pour Zhang Yimou, Adieu ma concubine pour Chen Kaige ), d’autres encore, en témoignaient ». Toutefois on peut constater que la production chinoise en 1991 n’est pas à la hauteur pour conquérir le marché mondial, même le marché national n’est conquis avec 16 milliards de spectateurs contre 30 milliards en 1979. Parmi les dix meilleures ventes vidéo de l’année, on retrouve La Terre jaune, Le Roi des enfants ou Le Sorgho rouge, des œuvres de la cinquième génération avec des réalisateurs plus célèbres à l’étranger que dans leur pays, ces réalisateurs purent ainsi gagner les faveurs d’un public qui n’avait pas su ou pu les reconnaître pour le cinéma.

Le Roi des enfants Le Roi des enfants

En 1994, le ministère chinois demanda à prendre connaissance des scénarios avant le tournage. Les films tournés dans le pays devait être soumis à l’approbation des autorités chinoises, avant le tournage pour certaines scènes, et une fois terminés avant d’être mis en circulation. Certains producteurs étranger réalisaient parfois deux versions d’un même film, la « version d’outre-mer » comportant des scènes qui n’avaient pas été difficilement approuvées. Certains films sortaient en fraude en Chine, avant d’avoir les autorisations. Le public étranger avait le privilège de voir des films chinois dont le propre public chinois était privé. Certains de ces films participèrent même à des festivals étrangers comme Vivre à Cannes de Zhang Yimou qui dut en payer les conséquences. Pour la Chine le préjudice était double avec une atteinte de sa réputation et surtout une perte financière.

5. Epouses et concubines – Zhang Yimou

Un des événements de l’année 1991 fut Epouses et concubines. Le film remporta le Lion d’argent à Venise et fut nominé, un an après Ju Dou, pour l’Oscar du meilleur film étranger. Song Lian, 19 ans, décide d’échapper au joug de sa belle-mère imposé depuis le décès de son père. Elle abandonne ses études pour prendre la route et devient la concubine du puissant quinquagénaire Chen Zuoqian qui a déjà trois épouses. « Zhang Yimou a choisi pour cadre une vieille demeure bourgeoise d’un clan familial, exproprié par la révolution », dans la province voisine de celle où se déroule La Terre jaune, dans le Nord Ouest de la Chine, « berceau de cette civilisation chinoise que Zhang Yimou n’apprécie pas davantage que Chen Kaige : « Si on est dans une situation arriérée par rapport à d’autres pays du monde, est-ce que ce n’est pas en rapport direct avec notre culture et notre civilisation ? Donc, je ne me sens pas tout à fait fier de cette culture ». » Le vieux Chen Zuoqian de Epouses et concubines représente la culture traditionnelle que selon ses détracteurs exerceraient encore une forte pression sur les individus comme « le pouvoir de Chen Zuoqian qui pèse de la même façon sur ses femmes ». « Le livre du jeune romancier Su Tong dont le film de Zhang Yimou est une adaptation, est avant tout une critique des mentalités féodales chinoises. Zhang Yimou dans son film garde « une distance par rapport à la sexualité » et est « plus qu’allusif dans ses propos sur le sens à donner au choix de son sujet : « Ceci est l’histoire du passé, quelque chose que nous devrions laisser derrière nous si seulement la lumière des lanternes rouges pouvait traverser les ténèbres et nous éclairer sur les errements de notre temps… » ».

Epouses et concubines Epouses et concubines

Le titre chinois est Elevez des lanternes rouges, ces globes de papier d’usage traditionnel, qui reposent au pied de chacun des pavillons où habitent les quatre femmes du maître. Chaque jour, on lève une de ces lanternes pour désigner celle que celui-ci a choisie pour partager son lit cette nuit-là. « La métaphore de l’aliénation de la femme, dans ce film, ne pouvait être plus transparente. » La jeune Songlian, victime de la jalousie des autres femmes, deviendra folle. Les femmes se battent non pas contre la domination de l’homme mais entre elles pour jouir chacune à leur tour d’un pouvoir éphémère. Songlian, intruse pour les autres femmes, était vaincue d’avance. Zhang Yimou dira que « le visage du vieux maître reste dans l’ombre » car il n’est pas le principal concerné par ce qui se passa dans sa demeurre. Le succès de Epouses et concubines fut universel, le premier film chinois à rencontrer un succès total à l’étranger.

6. L’année 1992 chez les réalisateurs de la 5e génération

Même si le mot crise est parfois employé pour qualifier le cinéma chinois, « il ne souffre pas de gueule de bois ». En effet les réalisateurs les plus importants de la 5e génération sortent chacun des films : Zhang Yimou, Chen Kaige et Tian Zhuangzhuang. Gong Li réalisera l’exploit de tourner trois films cette année là avec Qiu Ju, une femme chinoise pour lequel elle apprit le dialecte local pendant quatre mois dans le Shaanxi, Pan Yuliang, une femme peintre où elle joue le rôle de la peintre à tous les Âges de 17 à 70 ans et puis Adieu ma concubine.

Gong Li Gong Li

7. Qiu Ju, une femme chinoise – Zhang Yimou

La loi de 1989 sur « les procès administratifs en République populaire de Chine » permet à un simple citoyen d’accuser un haut fonctionnaire ou les services de sécurité. Qiu Ju, une femme chinoise est le premier film chinois qui en parle.

Qiu Ju, une femme chinoise Qiu Ju, une femme chinoise

« Qiu Ju, une femme chinoise est le contraire même de Epouses et concubines : le récit l’emporte sur la préoccupation artistique; le présent se substitue au passé; les femmes aliénées cèdent la place à une femme libre, une femme forte comme en comportent au moins une tous les films de Zhang Yimou, sans qu’elle soit pour autant l’héroïne comme ici. » Dans Qiu Ju, contrairement à Epouses et concubines, la femme l’emporte sur l’homme. Pour la première fois chez Zhang Yimou l’action de son film se déroule à l’époque contemporaine. Un paysan est frappé par le chef de son village et rendu sexuellement infirme. Le paysan est le mari de Qiu Ju, une paysanne illettrée, sans grÂce, enceinte, mais une force de la nature. Elle tente d’obtenir réparation auprès du tribunal devant lequel elle attaque le chef du village. Gong Li est déformée, défigurée, engoncée dans des vêtements ouatés, au rembourrage renforcé. Malgré cet aspect, elle emporte l’adhésion du public, elle possède cette capacité d’entrer dans la peau de chacun de ses personnages, quelque soit son rôle, elle l’interprète toujours de façon convaincante. Ici la véracité de son personnage est total, son emportement est d’une « incontestable authenticité ». « Il y a du Zola » dans ce film, dans ce drame de la terre, tragique. Zhang Yimou n’emploie que quatre acteurs professionnels, de nombreuses scènes ont été filmées à l’insu des habitants de Baoji, ces acteurs filmés avec une caméra cachée font de Qiu Ju une sorte de « cinéma-vérité », bien que l’intrigue soit une pure fiction. Ce film est aussi une confrontation entre la pauvreté et l’opulence, la modernité et l’arriération, entre la Chine d’hier et d’aujourd’hui. « Qiu Ju n’est pas seulement une simple femme du peuple, elle est le peuple, la démocratie, la vérité, la justice; elle est une porte-parole, un symbole ». Et elle gagne, mettant à genoux l’homme, qui à l’échelle du village, personnifie le Pouvoir.

8. Adieu ma concubine – Chen Kaige et la censure

On retrouve Gong Li dans le nouveau film de Chen Kaige, dans un rôle de courtisane en présence de Leslie Cheung et de Zhang Fengyi. Tous deux incarnent deux chanteurs d’opéra de Pékin, Cheng Dieyi et Duan Xiaolou, qui interprétaient Le Roi Ba fait ses adieux à sa bien-aimée, dans les années 1930. Les deux personnages étaient dans la vie irréparables comme les personnages historiques et légendaires qu’ils incarnaient : le roi Xiang Yu ( ou Ba ) et sa favorite Yu Ji. Xiaolou épousa une prostituée pour laquelle il s’était épris et s’éloigna de Dieyi. Les relations furent rompues par la révolution culturelle mais avaient déjà étaient mise à mal par ce mariage et la guerre avec le Japon. Après la révolution culturelle, ils se retrouvèrent à Hong Kong et recommencèrent à jouer ce même opéra. Persuadée que son mari ne l’aimait plus, Ju Xian, l’ancienne prostituée, se suicida. Dieyi, qui incarne la courtisane fictive, Yu Ji, se tua d’un coup d’épée sur scène.

Adieu ma concubine Adieu ma concubine

Chen Kaige s’était posé cette question : « Un homme peut-il, à sa façon, aimer un autre homme ? » Il introduit un cas d’homosexualité à l’écran pour la première fois en Chine. Ce thème de l’homosexualité fut d’ailleurs repris par Ang Lee avec Le Banquet des noces. Chen Kaige, outre ce thème, évoque aussi les principaux grands événements historiques qui ont bouleversé la Chine durant ces cinquante dernières années. Il montre aussi que les artistes ont toujours été opprimés. « C’est une véritable ode à la culture, symbolisée ici par l’opéra de Pékin » Adieu ma concubine reçut la Palme d’or en 1993, une première pour un film chinois. Ce film, pourtant, laissa perplexe les autorités chinoises, peu de temps après son succès à Cannes, le bureau politique du Parti Communiste Chinois aurait demandé une projection privée bien que le Bureau du cinéma ait donné tous les accords nécessaire à sa sortie, certains auraient quitté la salle avant la fin, d’autres n’ont pas caché leur dégout. Les studios de Shanghai demandèrent à Chen Kaige d’opérer certaines coupes, notamment les scènes évoquant la révolution culturelle ou les scènes évoquant l’homosexualité de l’un des personnages. Le film fut rapidement retiré de l’affiche avant d’être « expurgé » sans consultation de Chen Kaige pour être rediffusé dans les salles.

Chen Kaige Chen Kaige

Ces mésaventures posaient encore une fois la question de la censure en Chine. A l’étranger, le film rencontra une véritable succès, plus de 200 000 entrées en neuvième semaine soit bien plus qu’ Epouses et concubines qui pourtant avait rencontré un succès sans précédent sur les écrans français. Fort de ce succès, Chen Kaige paria à nouveau sur ce tiercé gagnant pour son prochain film : L’Ombre d’une fleur.

9. Cerf-volant bleu – Tian Zhuangzhuang et le sujet de la révolution culturelle

Le Cerf-volant bleu de Tian Zhuangzhuang entre sa présentation à Cannes et sa sortie en février 1994 connut des vicissitudes. Son premier scénario fut rejeté, une fois le tournage terminé à partir d’un nouveau scénario, le montage fut interdit. Il fut exécuté hors de Chine mais aussi hors de la présence du réalisateur qui ne put même pas voir son film avant sa présentation à Cannes où il ne fut pas autorisé à se rendre. Le 28 septembre, la délégation chinoise se retira du Festival de Tokyo pour protester contre le maintien du film dans la sélection officielle. Le Cerf-volant bleu, coproduction, y figurait comme film de Hong Kong. Le film de Tian Zhuangzhuang reçut le grand prix et Lu Liping celui de la meilleure actrice. De son côté, Pour le plaisir, un autre film chinois, remporta le prix d’or du Festival du jeune cinéma. Le 3 novembre le ministère de tutelle prit une sanction entre Tian Zhuangzhuang, celui ci est désormais interdit de tournage, la même sanction frappait pour les mêmes raisons Zhang Yuan qui avait présenté son film, Les BÂtard de Pékin au Festival de Locarno.

Lu Liping Lu Liping

Le film de Tian Zhuangzhuang n’est pas sulfureux aux regards des étrangers. « Rien de moins moderne, déjà rien de plus classique que la forme adoptée par Tian Zhuangzhuang qui rompt délibérément avec son esthétique antérieure, une forme anachronique pour évoquer « l’ancien temps ». » Le film parle des malheurs d’une famille, plus particulièrement d’une femme dont les trois maris, tour à tour, ont été victimes des grands mouvements politiques que furent : la lutte contre les « droitiers », « le Grand Bond en avant » et « la révolution culturelle » de 1957 à 1976. L’histoire de cette mère, trois fois veuve, est contée par son fils, Tête de Fer, né en 1953. Elle se remarie une troisième fois pour lui avant de perdre à nouveau toute chance de bonheur. Les gardes rouges lynchent les parents et battent l’enfant qui perd connaissance. Au moment où il rouvre les yeux, il ne voit qu’un cerf-volant bleu accroché à son arbre. La vie quotidienne se heurte à l’Histoire. « Ce film n’est pas un réquisitoire », il aide à comprendre comment le drame individuel s’inscrit dans le drame historique.

Le Cerf-volant bleu Le Cerf-volant bleu

Tian Zhuangzhuang montre les conséquences des persécutions dont ses personnages sont victimes et les répercutions sur leur entourage. « Le réalisateur met beaucoup d’intimisme dans ce qui est aussi une reconstitution d’une tragédie sociale et politique nationale. La réduction du décor principal à la cour familiale renforce ce caractère. L’enfant y grandit, d’abord insouciant comme on l’est à cet Âge, le film débute par une scène de jeux d’enfants dans la rue. Les membres de la famille disparaissent un à un, la peur devient quotidienne. « Tian Zhuangzhuang écrit la saga d’une génération perdue, traumatisée à vie par ces événements, la sienne ». Le film est sans doute en partie autobiographique. Il « ressuscite » un temps où ses parents, lui, souffrirent cruellement. Il analyse en profondeur les raisons qui provoquèrent les événements de la révolution culturelle. La racine de ces événements est à rechercher dans « la campagne de rectification » en 1957. Cette campagne eut des répercussions sur les destins individuels en rompant des carrières, éclatant des familles, brisant des vies. On vit des dénonciations, des emprisonnements, des camps de rééducation, Tian Zhuangzhuang met tout cela en lumière.

Tian Zhuangzhuang Tian Zhuangzhuang

10. Vivre – Zhang Yimou et la loi sur les coproductions

En janvier 1994, la National Society of Film Critics a désigné Qiu Ju comme meilleur film étranger. Vivre le nouveau film de Zhang Yimou profitera de ce prestige acquis. Comme dans Qiu Ju, Zhang Yimou va essayer de donner le plus d’authenticité possible à son film. On retrouve à nouveau Gong Li dans le rôle principal en compagnie de l’acteur Ge You. Le film montre une saga familiale sur fond de trente ans d’histoire, de la Libération à la révolution culturelle en passant par le Grand Bond en avant. Dans Vivre, Gong Li et Ge You forment un couple qui passe de l’opulence à la pauvreté, ruiné par le jeu. Tous deux affirment pourtant leur volonté de vivre heureux en dépit des malheurs qui s’abattent sur eux d’autant plus que lui, membre du Kuomintang, a combattu les communistes puis a été fait prisonnier par eux. Le Festival de Cannes récompensa le film, en donnant un prix spécial à Zhang Yimou et le prix du meilleur acteur à Ge You.

Ge You Ge You

La sélection de Vivre par le Festival de Cannes sans autorisation préalable posait une fois de plus la question des coproductions. Vivre est une coproduction de la République populaire avec la Era Film International. Fin janvier 1994, les autorités annoncèrent que le contrôle politique et financier sur le cinéma serait renforcé et que le nombre des coproductions et des productions indépendantes serait limité. On pouvait redouter une nouvelle période de répression. Le ministre de la culture, Liu Zhongde, lança un appel pour qu’on en finisse avec les films exerçant une « mauvaise influence sociale ». On peut se demander si la société elle-même n’exerce pas d’influence sur le cinéma.

Vivre Vivre

11. Les Hommes chez Zhang Yimou et Chen Kaige

Marie-Claire Huot écrivit que Zhang Yimou et Chen Kaige sont « les deux pôles yang du nouveau cinéma chinois ». Chen Kaige s’interroge sur la « masculinité négative », mais l’image de l’homme dans les films de Zhang Yimou n’en est pas moins ambigüe. Dans Le Sorgho rouge ou Ju Dou les amants sont de solides gaillards, il y a un mythe du mÂle, mais « le mythe est mis à mal » dans Epouses et concubines où l’homme est pratiquement absent. Dans Le Sorgho rouge et Ju Dou, les amants ont leur raison d’être car les maris sont malades, « ils apparaissent comme des mÂles de substitution ». Dans Epouses et concubines, une d’elles prend son docteur comme amant.

VII. Les Grands Réalisateurs de la Cinquième Génération

1. Chen Kaige

Chen Kaige apprit avant de réaliser des films à les regarder. A l’Institut Chen Kaige paraissait comme le plus talentueux, très fort en poésie classique, il parlait très bien l’anglais et ses camarades voyaient en lui les traits d’un homme de lettres, introduisant parmi eux des courants de pensée artistique très radicaux et aussi des poètes, des écrivains. Les films de Chen Kaige sont très profonds, à travers eux, il poursuit sa recherche dans le domaine spirituel.

2. Zhang Yimou

A l’Institut, Zhang Yimou était le plus fort au niveau des effets visuels. Bien qu’ayant dépassé l’Âge pour entrer à l’Institut, certaines personnes insistèrent pour son intégration après avoir vu ses photos. Ses films sont remarquables sur le plan visuel. Chez Zhang Yimou, l’utilisation de la couleur sert à exprimer sa collère, à traduire sa tristesse profonde et les mouvements de caméra pour transcrire ses rêves et ses désirs. Zhang Yimou a un rapport très particulier avec la photographie, il raconte l’histoire avec l’image, la couleur et la photographie. La beauté visuelle caractérise son style.

3. Tian Zhuangzhuang

A l’Institut, un cinéaste arrivait à tous les unir : Tian Zhuangzhuang, il était un peu leur pivot. Avant d’entrer à l’institut, il était opérateur et avait déjà réalisé des films, donnant l’impression à ses camarades de mieux connaître le cinéma qu’eux. Ils ne le considéraient pas comme un étudiant mais déjà comme un cinéaste. Dans ses films, Tian Zhuangzhuang s’interroge sur la question de l’homme et sur l’humanisme. Tous trois sont très différents dans leur style et influencèrent beaucoup les jeunes venus après, contribuant à la variété des cinéastes chinois.

TitCalimero

Source :
*Le cinéma chinois 1984-1997 de Régis Bergeron, aux éditions Institut de l’image *Le cinéma chinois de Jean-Michel Frodon, aux éditions Les petits cahiers *Le cinéma chinois. Hier et aujourd’hui d’Hubert Niogret (documentaire vidéo )