Coraline
Fiche du film
Réalisation : Henry Selick
Scénario : Henry Selick
Acteurs principaux :
Dakota Fanning
Teri Hatcher
John Hodgman
Keith David
Pays : États-Unis
Genre : Animation
Durée : 100 min
Année : 2009
Critique analytique :
Porté par une somptueuse musique de Bruno Coulais, Coraline joue à la fois sur une technique impeccable (figurines filmées en montage alterné) et un sujet très bien exploité.
En effet, le spectateur s’attache rapidement à Coraline et vit avec elle ses déceptions lorsqu’elle part explorer sa nouvelle maison, ses peurs lorsqu’elle tente d’échapper à la sorcière.
L’une des principales qualités de Coraline c’est la richesse des thèmes explorés dans le film et des interprétations possibles selon l’appréciation du spectateur.
Le personnage de Coraline évolue considérablement tout au long du film. En effet, au début du film Coraline est une petite fille qui aime jouer dehors et explorer les alentours de sa nouvelle maison. Coraline apparaît comme une véritable enfant car elle réclame beaucoup d’attention de la part de ses parents. Certes, les parents de Coraline sont très pris par leur travail, mais si le couple Jones s’occupe moins de Coraline c’est surtout parce qu’elle grandit et qu’elle quitte l’enfance.
Poussée par la curiosité et l’envie de trouver mieux ailleurs, Coraline pousse la petite porte derrière la tapisserie où l’attendent de nombreuses aventures.
Une fois chez ses autres parents, Coraline apprécie le délicieux repas de son autre mère mais reste méfiante. Elle pose des questions sur qui sont ses autres parents. Et pourtant, Coraline va retourner à plusieurs reprises de l’autre côté de la porte. Coraline, en tant que petite fille, va tout de même être charmée par le monde idéal crée par la sorcière, son autre mère. Cependant, lorsque ses autres parents lui demandent de rester dans ce monde parfait à condition de se faire coudre des boutons à la place des yeux, Coraline comprend immédiatement le piège. Lorsque Coraline parvient à revenir chez elle, et se rend compte que ses parents ont été enlevés par la sorcière, la petite fille n’hésite pas à aller sauver ses parents non seulement parce qu’elle les aime mais aussi parce qu’elle sait qu’elle a besoin d’eux.
La relation entre Wybie (Padbol) et Coraline est assez typique de la relation que peuvent entretenir deux jeunes adolescents qui se cherchent. Ils se chamaillent et leur relation amitié/haine révèle sans aucun doute les prémisses de sentiments amoureux.
Enfin, le rôle des voisines Miss Forcible et Miss Spink n’est pas à négliger. Ce sont elles qui transmettent à Coraline un peu de leur sagesse liée à leur vécu et à leur âge. C’est pour cela qu’elles confient à la jeune fille le monocle qui permet de voir ce qui ne peut pas être vu à l’oeil nu.
A la fin du film, l’on constate que Coraline a bel et bien grandi lorsqu’elle présente à ses parents et à ses voisins un plateau de boissons. C’est également elle qui accueille la grand-mère de Wybie pour lui raconter son incroyable histoire qui n’est pas sans lien avec la disparition de sa soeur des années auparavant.
L’herbe est toujours plus verte ailleurs. Coraline est poussée par la curiosité liée à son âge et par le sentiment que ses parents ne s’occupent pas d’elle, à aller voir ailleurs. C’est derrière la porte cachée sous de la tapisserie que Coraline va rencontrer le monde idéal et les doppelgängers de ses parents.
Le monde idéal est prétexte à montrer les dangers auxquels les enfants peuvent être confrontés.
Il faut se méfier des apparences.
Le chat noir qui ne paraît pas au premier abord sympathique, va en fait aider Coraline à combattre la sorcière.
Les autres parents qui apparaissent gentils et attentionnés ne sont pas ce qu’ils semblent être. L’autre mère est notamment une sorcière apparemment cruelle. L’autre père quant à lui est contrôlé par la sorcière.
Le monde merveilleux de l’autre côté de la porte est très attrayant. Tout y est beau et resplendissant. C’est notamment le cas du jardin fait à l’effigie de Coraline. Ce monde se révèle finalement être bien pauvre. En effet, la sorcière n’a crée que ce que Coraline voulait voir et au delà du jardin, il n’y a que le néant.
L’histoire des enfants disparus permet aux spectateurs d’imaginer ce dont la sorcière est capable. Coraline a été publié en 2002, ce qui en fait un conte noir très moderne. C’est pour cette raison que les dangers évoqués sont modernes. Les enfants disparus précisent que la sorcière les a attiré avec des bonbons, ce qui nous fait penser aux enlèvements d’enfants d’aujourd’hui.
Plusieurs éléments peuvent faire penser que la sorcière est en fait la représentation d’un pédophile. Le chat dit à Coraline que la sorcière « veut peut-être la manger ». Les enfants disparus précisent à Coraline que la sorcière a pris leurs âmes. Une fois libérés, les enfants disparus demeurent morts. L’on peut voir ici une métaphore d’enfants abusés. Le champ lexical de la nourriture n’est pas sans rappeler de nombreuses métaphores sexuelles.
L’autre mère qui a révélé sa véritable nature maléfique : c’est une sorcière; apparaît également sous la forme d’une araignée. Afin d’empêcher Coraline de repartir chez elle, la sorcière fait tomber la jeune fille dans sa toile. La toile rappelle Internet. En effet, « toile » se dit « web » en anglais. Et Internet est communément appelé le Web. Internet comporte de nombreux dangers surtout pour les plus jeunes. Il est possible de voir dans le film, une dénonciation de ce média comme un danger potentiel pour les enfants et les adolescents.
Il est possible de voir dans la critique et la dénonciation des dangers liés à Internet, une critique des jeux du type Second-Life qui permettent de créer une vie virtuelle certes mais meilleure afin d’échapper à son quotidien.
Neil Gaiman s’est inspiré de Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll pour écrire le conte Coraline. Il n’est donc pas impossible de voir dans ce film une certaine critique de la drogue. Tout d’abord, le passage conduisant à l’autre monde rappelle l’univers psychédélique lié aux hallucinations et à la drogue. De plus, l’autre monde semble être addictif puisque Coraline y retourne régulièrement. Comme la drogue, l’autre monde est addictif et permet d’échapper à la réalité.
La famille semble pouvoir protéger l’enfant de tous ces dangers.
En effet, la grand-mère de Wybie (Padbol) l’appelle sans cesse afin qu’il ne s’aventure pas trop. Elle lui a même interdit de rentrer au Pink Palace où vient d’aménager Coraline et ses parents.
Même si c’est parce qu’elle se sent délaissée par ses parents qu’elle va voir ailleurs, Coraline se sent en sécurité une fois qu’elle les a retrouvés.
Bref, les parents apparaissent souvent comme des contraintes pour les enfants car ils imposent des règles et des limites. Cependant, ils agissent ainsi pour protéger les enfants des dangers quotidiens.
D’après la « Psychanalyse des contes de fées » de Bettleheim, chaque enfant éprouve le désir de « tuer » symboliquement ses parents. C’est un peu ce que vit Coraline dans le film. Elle se retrouve entre deux âges et hésite entre son désir d’être choyée comme une petite fille et son désir de grandir.
Le couloir qui relie les deux maisons rappelle l’utérus et donc par extension la naissance. Le thème du regressus ad uterum est donc bien présent dans le film. En effet, la jeune fille décide de rentrer dans le couloir qui mène à l’Autre monde afin de fuir son propre monde qui ne lui convient pas. Bref, revenir à proprement dit dans le ventre de sa mère lui permet de fuir sa réalité et de se protéger de l’évolution évidente qui l’attend. Coraline va entrer dans le monde de l’adolescence et va donc devoir quitter le monde de l’enfance. Ce monde même se dérobe sous ses pieds. En effet, ses parents lui consacrent moins de temps car elle grandit.
Coraline va donc passer de l’autre côté et trouver un court échappatoire auprès de son Autre mère. Il est évident que cet Autre monde est complètement enfantin. Les parents se mettent en quatre pour Coraline. Ils lui procurent tout ce dont elle rêve : jouets extraordinaires, délicieux repas, animaux domestiques ….
Rester dans ce monde rassurant exclut toute évolution. Afin de rester dans ce monde, Coraline devra se laisser coudre des boutons à la place des yeux. C’est alors que la jeune fille comprend que ce monde ne mène nulle part. Il faut bien évoluer. Accepter de vivre pour toujours dans ce monde, c’est rejoindre les enfants fantômes emmurés.
Au moment où Coraline réalise qu’elle ne doit pas rester dans l’Autre monde, elle a déjà accepté de grandir. L’Autre monde lui apparaît alors comme un monde hostile et dangereux qu’elle doit quitter à tout prix.
Les boutons cousus sur les yeux sont sans doute une référence directe au concept selon lequel les yeux sont les fenêtres de l’âme. C’est par le biais des yeux que l’on peut voir ce que ressent une personne. Les yeux ouvrent les portes du cœur en quelque sorte.
L’on remarque que la femme domine le long-métrage. En effet, c’est bien la mère de Coraline qui dirige le foyer chez Coraline. Le père ne semble pas avoir beaucoup de pouvoir dans la maison. C’est la mère de Coraline qui prend la plupart des décisions. Le constat est le même lorsque Coraline se rend chez l’Autre mère. La sorcière assimilée à la fois à une araignée et surtout à une mante religieuse contrôle tout son monde et les individus qui y vivent. C’est l’Autre père qui met le spectateur sur la piste notamment lorsque ce dernier chevauche une mante religieuse afin d’attraper Coraline en lui demandant pardon.
Aussi noir que soit le film, Coraline n’en reste pas moins un conte.
Plusieurs éléments nous permettent de le confirmer.
Les parents comme dans de nombreux contes n’ont pas de nom. Ils sont uniquement désignés par leur statut de parents. Cela permet aux spectateurs de s’identifier plus facilement aux personnages.
La sorcière est un personnage qui apparaît régulièrement dans les contes. Ici, la sorcière a même une autre fonction puisqu’elle endosse aussi le rôle de la marâtre, c’est à dire de celle qui essaie de remplacer la mère de l’enfant.
Coraline est construit comme un récit initiatique. En effet, même si à la fin du film, la vie de Coraline est redevenue la même, l’héroïne elle a évolué. Elle a gagné en maturité. Le spectateur commence le film avec Coraline enfant et le termine avec une adolescente.
Erin
Critique :
Je sais que certaines de mes copines ont lu le livre de Neil Gaiman mais ce n’est pas mon cas donc je ne ferai pas de comparaison. Je voudrais juste dire que Coraline m’a scotché. Henry Selick, le réalisateur de L’étrange Noel de Mr Jack et de James et la pêche géante, a encore une fois fait très fort.
Fable philosophique et poétique sur le monde des enfants, leurs regards sur notre monde et fable sur notre monde actuel, Coraline est magnifique visuellement mais est d’une noirceur incroyable et je l’ai même trouvé assez dramatique. Je trouve que, pour un dessin animé, Coraline est assez trash et peut même « choqué » des enfants du genre 6/7 ans (je sais qu’il y a des moments où j’ai eu des frayeurs !). A côté, je trouve que L’Etrange Noel de Mr Jack, c’est gentillet…
J’ai adoré tous les personnages (sauf l’autre mère, vu que c’est la méchante !! c******* va !). Pourtant, au début, j’ai trouvé Coraline assez tête à baffe mais finalement je l’ai trouvé très attachante comme nana. C’est dommage que j’ai vu le film en français car la VO est franchement pas mal du tout, d’après ce que j’ai pu un peu entendre sur le net. Notons pour terminer que la musique de Bruno Coulais est un délice.
Tinalakiller