L'Illusionniste

Titre original : The Illusionist
Réalisation : Sylvain Chomet
Scénario : Sylvain Chomet
Acteurs principaux :
Jean-Claude Donda
Edith Rankin
Pays : France, Grande-Bretagne
Genre : Animation
Durée : 77 minutes
Année : 2010

 

Critique analytique:


L’Illusionniste de Sylvain Chomet est avant tout un film fait en hommage au réalisateur Jacques Tati. En effet, le scénario est de Tati lui-même. Et c’est bien Tati qui tient le rôle principal dans cette fiction. Son rôle d’illusionniste permet de nous rappeler que Tati a été pantomime avant de devenir le réalisateur que l’on connaît.

L’Illusionniste traite ouvertement d’un sujet fort émouvant : la mort du music-hall.

Le réalisateur ne se contente pas de montrer des artistes tristes de voir leur art s’éteindre. Il s’intéresse aux évènements qui ont précipité la chute du music-hall. Ainsi, dès le début du film, l’on voit le public changer. En effet, le rock’n’roll vient de débarquer au Royaume-Uni et cette nouvelle musique attire le jeune public. Seuls les grands-parents et leurs petits enfants restent fidèles au music-hall.

Ces changements à la fois de goût et de public permettent de mettre en avant la solitude de l’artiste face à ses doutes. La solitude est également l’un des thèmes et l’un des sentiments les plus présents du film.

L’art n’est pas la seule chose à changer et à évoluer. Avec lui, c’est toute une société qui se modernise. Sylvain Chomet se sert des saisons et des évolutions techniques pour nous montrer que le temps passe et apporte son lot d’évolution et de modernité. Ainsi, l’on voit le rock’n’roll débarquer en Angleterre. Le petit pub en Écosse se met à l’électricité et accueille même un jukebox. L’art au final, n’est qu’une chose qui change parmi d’autres. Parmi toutes les évolutions, la plus marquante est sans aucun doute l’apparition de la télévision. Et pourtant, c’est avec beaucoup d’émotion que le réalisateur nous dépeint cette modernisation de la société. Notons tout de même une sympathique rencontre entre Jacques Tati en monsieur Hulot dans Mon oncle et l’illusionniste par le biais d’un écran de cinéma.

Ainsi, le héros se rend d’abord en Angleterre pour se produire, puis se voit forcé de déposer ses valises en Écosse après un échec à Londres. C’est là qu’il rencontre Alice, une jeune fille d’une quinzaine d’années qui croit à la magie. Pourquoi cette jeune fille semble-t-elle être la seule personne à croire à l’œuvre de l’illusionniste ? L’on peut penser qu’Alice qui vient d’un tout petit village au fin fond de l’Écosse n’a pas encore été touchée par la modernisation en cours de la société. Et pourtant, le personnage d’Alice va considérablement évoluer. La jeune fille qui croyait que les cadeaux qu’elle recevait de l’illusionniste sortaient de ses manches va éprouver l’envie de vivre la belle vie à Edimbourg, la grande ville. Enfin, Alice permet à ce solitaire illusionniste de le sortir de sa solitude et de sa mélancolie. La relation entre le héros et Alice est donc réciproque. Chacun apporte quelque chose. C’est un peu comme dans le monde du spectacle finalement. L’artiste fait rêver avec ses numéros et le public rêve et permet à l’artiste de vivre.

Il y a quelque chose de très fort et de très beau à voir cet homme d’une cinquantaine d’années sortir de ses manches des cadeaux pour la jeune fille habituée à la pauvreté et à la dure labeur. L’illusionniste en effet, joue son rôle le plus possible et émerveille la jeune fille qui voit sa vie changer radicalement du jour au lende main.

Mais tout ne peut pas être si rose. Rapidement, le spectateur se rend compte de ce que l’illusionniste est obligé de faire pour pouvoir subvenir aux besoins de rêve et d’émerveillement d’Alice. Le quinquagénaire se voit obligé de travailler de nuit dans un garage. Cela montre aussi que son métier d’illusionniste n’est plus suffisant pour le faire vivre. Par le biais de petits personnages secondaires, le film nous montre que tous les artistes du music-hall sombrent peu à peu. Le ventriloque vend sa marionnette; le clown à la fois ivrogne et suicidaire se laisse submerger par l’alcool, l’illusionniste et les acrobates se voient contraints de travailler dans la publicité pour survivre.

Il est au final assez triste de se rendre à l’évidence : le rêve ne fait pas vivre. C’est bel et bien l’argent qui mène le monde. La société change et devient peu à peu une société de consommation. C’est ce que l’on comprend lorsque Alice contemple la jolie robe qu’elle porte en vitrine. Au début du film, Alice portait des chaussures très usées et l’illusionniste lui en avait offertes des neuves parce qu’elle en avait besoin à cause de leur état d’usure avancée. A présent, Alice désire des robes et des chaussures de toutes sortes pour suivre la mode et le mouvement et non plus par besoin. Bref, le film permet aussi de dénoncer le changement de la société des années 1950 en société de consommation.

L’illusionniste s’éloigne puis quitte Alice car il ne parvient plus à subvenir à ses illusions. C’est là que l’on se rend compte que la relation entre les deux personnages révèle d’une relation père-fille. A la fin du film, l’on peut même penser que le héros part rejoindre sa fille, la jeune femme que l’on voit souvent dans le cadre photo qu’il met dans sa loge. Ainsi, la paternité et la protection qu’elle engage peut être vue comme une nouvelle étape, une nouvelle aspiration dans la vie de l’illusionniste, qui a désenchanté.

Lorsque l’illusionniste quitte Edimbourg, il laisse quelques mots à Alice : « Les magiciens n’existent pas ». Quelle triste idée pour cette jeune fille qui poussée par l’émerveillement a pu vivre une vie de rêve. Alice a évolué et est devenue une femme qui a rencontré un jeune homme qui semble fort épris d’elle: une sorte de prince charmant. Lorsque la jeune fille découvre les mots laissés par l’illusionniste, elle se trouve à la fenêtre de l’appartement qu’elle a partagé avec le héros, et regarde en bas son amoureux. Au final, le rêve ne fait peut être que commencer. Alice vivra peut être toujours dans le rêve grâce à cet homme s’il s’avère être le prince charmant. Et pourtant, les mots de l’illusionniste résonnent comme dans un mauvais rêve. Personne n’est parfait. Chacun d’entre nous a ses faiblesses et cet homme qu’Alice regarde amoureusement n’est peut être pas aussi parfait qu’il semble l’être.

En explorant des thèmes aussi forts et avec beaucoup de délicatesse et d’émotion, L’Illusionniste manque pourtant un peu de rythme et se révèle parfois un peu ennuyeux à cause du manque évident de dialogues que l’on ne peut pourtant pas reprocher. En effet, le film est un hommage à Jacques Tati, qui excellait dans le poético-burlesque. Bref, la gestuelle était bien plus importante que les dialogues. L’effet réaliste est donc réussi. De plus, le film se déroule surtout en Écosse et le héros est accompagné de Alice, une écossaise parlant le gaélique écossais. Les deux personnages ne peuvent donc pas dialoguer.

Les magiciens n’existent peut être pas mais la magie du cinéma, elle, opère toujours.

Erin

Critique :

Le réalisateur des Triplettes de Belleville prend un scénario de Tati laissé dans un tiroir. Il faut avouer que tout ça était très attirant.

A travers le personnage de cet illusionniste, qui s’avère être Tati lui-même (et au passage, j’ai bien aimé la scène où le héros regarde une scène de Mon Oncle), Sylvain Chomet nous présente plutôt des désillusions : comme l’époque change, et que plus personne ne s’intéresse au music-hall (on préfère le groupe de rockstars), les artistes sont en danger. Certains deviennent très pauvres, d’autres alcooliques et suicidaires. A cause de sa rencontre avec Alice, une jeune femme qui croit encore à la magie de l’illusionniste, notre personnage éponyme va être obligé d’alterner plusieurs petits boulots. On voit bien que la vie d’artiste est difficile et ne fait pas vraiment rêver.

Avec le recul, cette histoire est très émouvante. Mais quand on voit le film, on peut passer complètement à côté de cette émotion. C’est ce qui m’est arrivé. Les personnages ne m’ont pas paru attachants et ça ne m’a pas ému, car ça m’a énormément ennuyé, à cause d’un manque de dialogues. Mais peut-on totalement reprocher ce manque de dialogues, qui est un des moyens pour rendre hommage à Tati ?

Tinalakiller

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *